Aujourd'hui, jeudi 20 février 2014. 16h30 :
Les violents affrontements de la journée ont fait au moins 60 morts, des médecins de l'opposition parlant même d'une centaine de personnes décédées. Les forces de l'ordre tirent désormais à balle réelle. Le ministre de l'Intérieur a annoncé cet après-midi qu'elles étaient équipées d'armes de guerre. (Le Figaro)
Vers la guerre civile ? titre Courrier international.
Le "feu" couvait-il depuis la Révolution orange pacifique de 2004, qui n'a pas eu les effets escomptés ? Dix ans après, le conflit éclate, à nouveau. En quelques jours, il dégénère.
Et quid de la France, si calme en apparence. Le "feu" couve-t-il aussi chez nous ? Les manifestations non violentes de 2013 ont, elles aussi, été ignorées par nos ploutocrates nationaux...
Certes, les deux pays sont confrontés à des problèmes de nature très différente.
Certes, Nous avons (un peu) plus de liberté et (un peu) plus de richesse.
Mais nous avons le multikulti qu'eux n'ont pas ; et nous avons déjà eu un avant-goût des conflits que ce multikulti peut engendrer (cf émeutes ethniques de Londres, émeutes ethniques des "banlieues" françaises...)
Or, d'une part la liberté et la richesse tendent à s'amoindrir
D'autre part le multikulti et ses conséquences tendent à d'amplifier.
Alors... Aujourd'hui l'Ukraine, demain la France ?
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HISTOIRE. L’Ukraine entre deux
mondes
De manifestations proeuropéennes en rassemblements prorusses, l’Ukraine de 2014 peut-elle s’affranchir du poids des siècles ? Certes, depuis la fin de l’URSS, en 1991, le “sens de l’histoire” milite pour une émancipation totale de Kiev à l’égard de Moscou et, à terme, pour l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. C’est bien l’avis des manifestants de la place de l’Indépendance, à Kiev. Mais à considérer le temps long, comment ne pas comprendre les réticences d’une autre partie de la population, issue notamment d’un monde rural majoritairement russophone et qui, malgré les persécutions communistes (ou peut-être à cause d’elles), est restée attachée à la foi orthodoxe symbolisée par le patriarcat de Moscou ?
Le temps long, c’est aussi et surtout ce qui anime les dirigeants russes. Et avec lui, la mémoire qui va avec : c’est en Ukraine que la nation russe a vu le jour, à la fin du Xe siècle. « La sainte Russie, née à Kiev », comme ne manque jamais de le rappeler Hélène Carrère d’Encausse. C’est en effet en 988 qu’avec le baptême de Vladimir Ier (958-1015), grand prince de Kiev, les Slaves se convertissent au christianisme. Sixième souverain de la dynastie riourikide, fondée en 864 à Novgorod par le Viking Riourik Ier, Vladimir règne alors sur une principauté gigantesque, comprise entre les pays baltes au nord et la Crimée au sud et, d’ouest en est, entre le Danube et la Volga. Du nom de cet État, la Rous’ (en protoslave, “le pays des rameurs”, dérivé du scandinave Rodslagen), est venu, au XIIIe siècle, celui de la Russie.
Chassés par les invasions tatares, les Riourikides s’implantent alors à Moscou, où leur dynastie régnera jusqu’à l’extrême fin du XVIesiècle. Non sans que l’un de leurs derniers représentants, le plus connu aussi, Ivan le Terrible (1530-1584), ne se soit proclamé “tsar de toutes les Russies”, titre qui deviendra courant à partir de l’avènement des Romanov (1613). De l’ancienne Rous’, à l’ouest et au sud de la nouvelle Russie, il ne subsiste, au XVIIe siècle, pratiquement rien. Éclatée en d’innombrables principautés, parmi lesquelles les fameuses républiques cosaques, celle-ci est passée, trois cents ans plus tôt, sous la double domination des Polonais et des Lituaniens, qui se sont ligués pour repousser les Tatars à l’est du Dniepr. Rien, sauf un nom : l’Ukraine, signifiant “marche” ou “confins”.
C’est dans la révolte contre les Polonais (qui, entre autres, cherchent à imposer le catholicisme) que s’est forgée, pourtant, l’identité ukrainienne, culturelle à défaut d’être politique. Une lutte que la Russie de Pierre le Grand va soutenir de toutes ses forces pour affaiblir la Pologne, avant que Catherine II, un siècle plus tard, ne vainque définitivement cette dernière et prenne, du même coup, le contrôle de l’Ukraine. Nous sommes en 1793 et l’impératrice atteint l’objectif stratégique majeur de son règne : l’accès, via la Crimée (et sa base de Sébastopol), aux “mers chaudes”, la mer Noire et la Méditerranée. Depuis lors, l’intérêt pour la Russie de conserver l’Ukraine dans son giron ne variera pas. S’y ajoutera seulement, aux XIXe et XXe siècles, la commodité de disposer du plus vaste “grenier à blé” du continent eurasiatique en même temps que la houille du bassin du Donbass, indispensable à la sidérurgie.
Un autre élément renforce l’hostilité de Moscou à tout rapprochement entre l’Ukraine et l’Occident : le fait que, depuis le XIXe siècle, les adversaires de la Russie ont toujours flatté le particularisme ukrainien. Et spécialement les Allemands. Malgré le rattachement de l’Ukraine à la Russie, ceux-ci n’ont cessé, en effet, de s’y installer, encouragés par les mouvements pangermanistes : au début des années 1890, on dénombre ainsi pas moins de 550 000 colons allemands en Ukraine. Lesquels joueront un rôle essentiel quand, profitant des désordres de la révolution de Février, les nationalistes ukrainiens, jusqu’alors réprimés par les tsars, proclament, à Kiev, une République autonome (juin 1917). Aussitôt, les bolcheviques leur opposent, depuis Petrograd, une République soviétique d’Ukraine (décembre 1917). Or, Lénine sacrifie cette république pour signer une paix séparée avec l’Allemagne, lors du traité de Brest-Litovsk (mars 1918), ce qui permet à l’armée allemande d’occuper le territoire ukrainien. De l’autonomie, on passe alors à l’indépendance pure et simple, qui a les faveurs de l’empereur Guillaume II : en avril 1918, un transfuge de l’ancienne armée impériale russe, le général Pavlo Skoropadsky, soutenu par les services secrets allemands, est proclamé, à la suite d’un coup d’État, “hetman” (chef) de l’État souverain d’Ukraine. Son “contrat” est de contribuer à l’entretien des troupes allemandes qui l’aideront à contenir les bolcheviques.
Mais le 11 novembre 1918, l’Allemagne, victorieuse à l’Est, signe l’armistice à l’Ouest, face aux Alliés. Un mois plus tard, Skoropadsky s’enfuit pour l’Allemagne (où il finira ses jours, en 1945, des suites de ses blessures dans un bombardement). Son successeur, Simon Petlioura, tente alors de jouer la carte des Alliés dans des termes analogues à l’accord qui unissait Skoropadsky aux Allemands. Mais les Français comme les Britanniques, qui ont pris le parti des armées blanches de Denikine contre l’Armée rouge de Trotski, ne voient pas l’intérêt d’aider Petlioura, qui combat les deux camps à la fois. De fait, en 1919, l’Ukraine est transformée en un gigantesque champ de bataille entre rouges et blancs, le territoire contrôlé par les partisans de la République ukrainienne fondant comme neige au soleil. Son seul vrai soutien, Petlioura le trouve du côté des Polonais, dont l’intérêt est justement de reprendre pied dans cette Ukraine d’où Catherine II les avait chassés !
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