Face à ces situations de délitement de l'ordre public, les gouvernements réagissent en promettant une présence plus marquée des forces de l'ordre, ce qu'ils n'ont guère les moyens ni d'ailleurs la volonté d'assurer, et une surveillance sans cesse accrue des lieux publics. Mais pareille réaction est le signe, je crois, d'un total malentendu.
Il se peut que la population in-nocente
accueille favorablement, sur le moment, encore qu'elle n'y croie
guère, de telles annonces de renforcement desdites politiques
sécuritaires ; mais ce qu'elle souhaite à un peu plus long
terme n'est en aucune façon une présence policière augmentée, des
contrôles d'identité plus fréquents, l'érection de barrières
métalliques prétendument infranchissables jusqu'au sein des lycées
et des hôpitaux, la multiplication incessante des caméra de
sécurité. Elle n'aspire pas à une fortification panoptique du
monde et de tous les moments de l'existence, ni à une tranquillité
aporétique qui ne serait due qu'à une tension vigilante jamais
relâchée. Ce ne sont pas là des idéaux de civilisation, pour le
coup.
(…)
Pour commencer de lutter sérieusement
contre la violence elle-même, contre le désir de violence,
contre la volonté de nocence, il faudrait accepter de s'interroger
sur le type de société qui les produit. Or nous avons relevé à
plusieurs reprises l'horreur de l'époque pour les mauvaises
nouvelles idéologiques, dont elle n'a rien de plus pressé que de
déclarer qu'elles sont fausses, tandis qu'elle nomme criminels ceux
qui ont la malchance ou le courage de les apporter.
Renaud Camus, Décivilisation
La société devient de plus en plus brutale, non seulement violente et délinquante, criminelle, mais à tout moment grossière, agressive, mufle, incivile, à mesure qu'elle est plus idéologiquement et médiatiquement bien-pensante : comme si l'exigence là la libérait de toute contrainte ici, et l'idéologie de la morale. Les mêmes qui, en sortant d'un ascenseur, passent devant vous en vous marchant sur les pieds sans vous voir et sans interrompre leur conversation avec des tiers sont prêts à vous donner l'instant d'après de sérieuses leçons sur l'égalité entre les hommes, entre les hommes et les femmes, entre les enfants et les vieillards, entre les races qui n'existent pas. D'une société qui n'a d'autre mot à la bouche qu'ouverture et diversité s'efface progressivement le regard, cette façon de reconnaître l'autre et d'abord de le voir et de laisser paraître qu'on le voit, qu'on lui fait sa place dans la communauté d'espèce.
Renaud Camus, Décivilisation
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