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mercredi 12 mars 2014

Je suis Ukrainienne [+vidéo]

Je vous propose, puisque cela n'a pas été fait (allez savoir pourquoi), une traduction de cette vidéo. Oh, c'est très simple. C'est naïf diront beaucoup. Moi, je dis simplement que c'est vrai. Cela n'a rien à voir avec la froide analyse de je ne sais quel spécialiste (réel ou supposé) de géopolitique Bac+10. Ces gens, qui se sont révoltés, ne savent pas ce qu'est l'UE. Ces gens n'ont pas reçu d'argent, ni de l'UE, ni des Etats-Unis. Ces gens, ils se sont battus pour une idée, pour un idéal. Ils se sont battus avant tout pour la liberté. Vous savez, cette liberté dont nous sommes de plus en plus privés en France. Ces gens ne doivent pas être méprisés mais admirés. Parce que ces gens nous montrent qu'ils ont le sang chaud et l'esprit plein d'espérance. Ces gens ne sont pas des calculateurs. Eux n'ont pas le cynisme ou l'amertume qui ronge notre société moderne. Eux sont vivants, simplement.



)

TRADUCTION DE LA VIDEO
Je suis Ukrainienne, native de Kiev.
Et maintenant, je suis à Maïdan, dans le centre de ma ville.
Je veux vous faire savoir pourquoi des milliers de personnes, partout dans mon pays, sont dans la rue.
Il n'y a qu'une seule raison : ils veulent être libres. Ils veulent se libérer d'une dictature. Ils veulent se libérer de politiciens qui travaillent uniquement pour eux, qui sont prêts à tirer, à battre, à injurier les gens, uniquement pour garder leur argent, uniquement pour garder leurs maisons, uniquement pour garder leur pouvoir.
Je veux que ces gens qui sont ici, qui ont une dignité, qui sont braves, je veux qu'ils aient une vie normale.
Nous sommes des gens civilisés, mais notre gouvernement est composé de barbares. Nous ne sommes plus en Union Soviétique. Nous voulons des tribunaux libres, nous ne voulons pas de corruption.
Nous voulons être libres.
Je sais que peut-être demain nous n'aurons plus de téléphone, plus de connexion à internet, et nous seront seuls ici. Et peut-être que la police nous tuera, l'un après l'autre, quand il fera sombre.
C'est pourquoi je vous demande maintenant de nous aider.
Nous avons cette liberté dans nos cœurs, nous avons cette liberté dans nos têtes, et maintenant, je vous demande de construire cette liberté dans notre pays.
Vous pouvez nous aider, simplement en racontant cette histoire à vos amis, simplement en montrant cette vidéo. S'il vous plaît, montrez-là. Parlez à vos amis, parlez à votre famille, parlez à votre gouvernement, et montrez que vous nous soutenez.
Pierre Aron







 

Maïdan – La révolution des classes moyennes

Mouvement de révolte populaire contre un pouvoir criminel, Maïdan a rassemblé toutes les couches de la société et des manifestants issus des différentes régions du pays, mais les entrepreneurs et l’intelligentsia en ont été les forces vives.


Pendant trois mois, de novembre 2013 à février 2014, l’Ukraine a vécu des événements qui s’inscrivaient dans la suite logique de l’année 1991, autrement dit de l’effondrement de l’Union soviétique. La société s’est insurgée contre un système socio-économique postsoviétique qui n’avait été qu’une mascarade pendant vingt-trois ans d’indépendance.

C’est justement cela qui a suscité la réaction la plus virulente de la Russie : Vladimir Poutine a compris que Maïdan réduisait à néant ses projets géopolitiques en faveur d’une sorte de résurrection de l’URSS. Le modèle économique oligarchique ukrainien, fondé sur la fusion entre l’ancienne nomenklatura du Parti, la criminalité organisée et un pouvoir législatif corrompu, avait placé la majorité de la population ukrainienne au bord de la misère, sans aucun espoir en l’avenir.

Cette situation s’était encore aggravée après l’arrivée au pouvoir de Viktor Ianoukovitch, qui avait rapidement entrepris le pillage à grande échelle du pays, en soutenant les oligarques proches de lui tout en faisant peser tout le poids de la fiscalité sur les petites et moyennes entreprises. En politique extérieure, malgré ses déclarations en faveur de l’Europe, l’ex-président pratiquait une politique de russification et de rapprochement avec le Kremlin en plaçant à tous les postes de pouvoir des personnalités prorusses ou des agents déclarés de la Fédération de Russie. Résultat : l’intelligentsia et les entrepreneurs en particulier, et la classe moyenne en général, sentaient que cette situation finirait par transformer définitivement l’Ukraine en république bananière, avec un régime fantoche qui ne serait qu’une copie de celui de Poutine, un univers dans lequel ils n’auraient pas leur place en tant que classe sociale.

C’est pour cela que, le 21 novembre 2013, quand Viktor Ianoukovitch a subitement mis fin au programme d’intégration à l’Europe – même si ce programme n’était que gesticulation –, des manifestations massives ont commencé à Kiev et que mouvement s’est rapidement étendu à tout le pays. Dans un premier temps, tant que Maïdan s’est manifesté par des meetings, la force principale a été représentée par les étudiants, les journalistes, les designers, les artistes et les cadres. Mais très vite, ils ont été rejoints par les dirigeants de PME. Près de la moitié (49 %) des manifestants présents à Maïdan étaient titulaires de diplômes d’études supérieures.

Ces chiffres proviennent du Fonds d’études Initiative démocratique Ilko Koutcheriv. Les entrepreneurs, quant à eux, représentaient au moins 17 % des manifestants, les ouvriers 15 %, les étudiants 10 %, les retraités 11 %, les membres des forces de l’ordre et de l’armée 3 %, les fonctionnaires 4 %, les ouvriers agricoles et les agriculteurs 3 %. Les gens sans emploi fixe représentaient quant à eux 13 % des manifestants. Dans les manifestations, on rencontrait majoritairement des hommes et des femmes venus de toutes les régions d’Ukraine, âgés de 30 à 45 ans, qui estimaient ne pas avoir d’avenir sous le régime de Ianoukovitch. L’âge moyen des manifestants était de 37 ans (33 % avaient de 18 à 29 ans ; 56 %, de 30 à 54 ans ; 12 %, 55 ans et plus). 88 % étaient des hommes et 12 % des femmes.

Citadins et ruraux.
Pour ce qui est des origines régionales, 12 % des occupants de Maïdan étaient des Kiéviens. Parmi ceux qui venaient de l’extérieur, 55 % étaient originaires d’Ukraine de l’Ouest, 24 % venaient du centre du pays et 21 % de l’Est et du Sud. Quant à la question de la langue, il faut souligner que les manifestants de Maïdan étaient à 55 % ukrainophones et à 20 % russophones, 28 % disant avoir l’habitude de parler les deux langues. La majorité absolue des participants de Maïdan (86 %) affirmaient être prêts à rester sur place “aussi longtemps qu’il le faudrait”. Parmi eux, 73 % étaient arrivés à Maïdan en 2013, 24 % étant présents depuis le 21 novembre.

80 % des manifestants étaient des citadins, 20 % des ruraux. A partir du 30 novembre, quand les forces de l’ordre ont commencé à répondre par la violence aux manifestations pacifiques, trois fois plus de personnes sont descendues dans la rue, conscientes que la lutte serait dure et longue. Maïdan s’est transformé en camp retranché. Les raisons qui ont poussé les gens à manifester sont restées les mêmes depuis le début du mouvement : la brutalité de la répression (61 %), le désir d’un changement social en Ukraine (51 %), le refus opposé par Ianoukovitch à l’accord d’association avec l’UE (47 %) et l’appel à un changement de régime (46 %).

L’opposition officielle n’avait aucun lien avec le mouvement, ouvertement apolitique et organisé sans concertation avec les partis politiques, en lesquels les gens n’avaient que peu confiance. Seulement 1 % des manifestants estimaient qu’il fallait confier le pouvoir aux dirigeants de l’opposition et seulement 6 % se disaient d’accord avec la formation d’un gouvernement par cette même opposition. La majorité absolue des participants de Maïdan n’avait aucune affiliation politique.

70 % étaient venus de leur propre initiative, 8 % étaient membres d’organisations citoyennes, 14 % participaient à des mouvements sociaux et les autres étaient membres de partis d’opposition. Les événements ont débouché sur une révolution de la classe moyenne, sortie victorieuse d’une lutte mortelle avec le régime de Ianoukovitch, soutenu par Moscou. Un mouvement qui a eu pour but d’offrir à l’Ukraine la possibilité de se construire selon les principes sociopolitiques européens.

—Bohdan Boutkevitch
Publié le 13 mars 2014 dans Oukraïnsky Tyjden

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