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dimanche 13 avril 2014

Un pas de plus vers la guerre

Depuis le 6 avril, les événements se précipitent dans l'est du pays. Suivant un scénario qui rappelle la Crimée, des inconnus masqués et armés s'emparent des édifices publics de plusieurs villes et proclament leur droit à l'autodétermination. Mais cette fois, le gouvernement de Kiev n'a pas le choix : il doit contre-attaquer.



L'Ukraine pourra-t-elle sortir indemne dans la crise qui ébranle ses régions orientales ? Dans la journée du 12 avril, le pays a assisté au retour des "petits hommes verts", surnom donné par les Ukrainiens aux "mystérieux" soldats sans insignes distinctifs ni marques de grade que l'on avait vus se répandre un peu partout en Crimée au mois de mars. Maintenant, c'est dans l'est qu'ils surgissent, pour prêter main forte aux séparatistes prorusses.

Cagoulés, casqués, équipés de gilets pare-éclats et de fusils d'assaut AK-100 (qui ne sont en dotation que dans l'armée de la Fédération de Russie), ils opèrent avec des "titouchki", les gros bras qui avaient aidé l'ex-président Viktor Ianoukovitch à lutter contre les manifestants de Maïdan, et d'autres hommes armés. Ils dressent des barrages à l'entrée des villes, attaquent les commissariats, prennent le contrôle de bâtiments officiels dans plusieurs villes du Donbass.
"Nous sommes pour la Russie"
Mais cette fois, semble-t-il, Kiev estime que la coupe est pleine. Parfaitement conscient du danger d'une intervention russe, le gouvernement de transition ne peut cependant se laisser déposséder de tout l'est du pays sans réagir, sous peine d'être débordé par ses propres extrémistes. Aussi, depuis les premières heures de la matinée, il a lancé une "opération anti-terroriste, qui a commencé à Slaviansk [une ville où, la veille, ont eu lieu des échanges de tirs entre séparatistes et policiers]", d'après le quotidien en ligne Oukraïnska Pravda. Sur sa page Facebook, le ministre de l'Intérieur Arsen Avakov laisse libre cours à sa colère : "Qui sont les idiots qui envoient des gens à Kharkiv [...] ? Qui sont les marionnettistes qui agissent ainsi alors que nous devons nous concentrer sur le Donbass ? Qui êtes-vous, voyous et provocateurs ? [...] Pour qui travaillez-vous ?"
Pour l'hebdomadaire Oukraïnsky Tyjden, la réponse est évidente. Dans un article intitulé "Les séparatistes de Louhansk [une des premières villes touchées par le mouvement le 6 avril dernier] : qui sont-ils et à qui rendent-ils service ?", la rédaction cite un de ces inconnus cagoulés, qui déclare : "Qui nous a amenés ? Personne, nous sommes venus par nous-mêmes. Car nous sommes pour la Russie."
Commandos d'élite russes
Sur le terrain, la situation s'aggrave d'heure en heure. Sur le site de la chaîne de télévision espreso.tv, on peut suivre les événements au fil de leur déroulement. "A Slaviansk, les unités spéciales ont éliminé deux postes de contrôle séparatistes et se déploient à l'entrée de la ville." "Les séparatistes disent avoir des tués, d'après des communications interceptées par les forces antiterroristes."
Information confirmée par le site de l'hebdomadaire Dzerkalo Tyjnia, qui fait également état de "blessés". Dzerkalo Tyjnia affirme par ailleurs que "parmi ceux qui se sont emparés d'édifices du ministère de l'Intérieur à Slaviansk, des membres des forces spéciales de la Fédération de Russie ont été identifiés". Des spetsnaz, les commandos d'élite russes, participeraient donc à ce "soulèvement" séparatiste manifestement téléguidé.
Engager le combat
Dans les régions du centre-est, beaucoup redoutent des tentatives de coup de main du même type. "Dans l'oblast de Dnipropetrovsk, les habitants ont dressé des barrages contre les séparatistes, explique ainsi l'agence de presse indépendante UNIAN. Depuis ce matin, à l'entrée de l'oblast de Dnipropetrovsk, neuf barrages mobiles ont été mis en place, à l'est, au nord et au sud. Youri Bereza, représentant régional du Conseil de la sécurité nationale, déclare que ces mesures sont liées aux événements qui ont lieu dans la région de Donetsk et à la pénétration probable de commandos russes sur le territoire de Dnipropetrovsk."
Pour l'heure, l'opération se poursuit. Le gouvernement ukrainien n'a désormais plus le choix, s'il ne veut pas perdre le contrôle de tout l'est, région moteur de l'économie du pays, il se doit d'engager le combat ouvertement avec les séparatistes et les "petits hommes verts". Sous la menace d'une véritable épée de Damoclès, incarnée par les 40 000 hommes et les 700 blindés russes positionnés à la frontière orientale, qui attendent peut-être ce prétexte idéal pour déferler.







Dimanche 13 avril 2014 : le Conseil de sécurité de l'ONU se réunit en urgence (Le Monde)





Une situation explosive
FranceTVinfo (Alban Mickoczy)

Depuis le début de la crise en Ukraine, le correspondant de France 2 en Russie, Alban Mickoczy, suit les évènements heure par heure. Du 21 novembre dernier, quand le président d'alors, Viktor Ianoukovitch refusait de signer l'accord d'association avec l'Union européenne provoquant ainsi le soulèvement de la place Maidan à Kiev, jusqu'à la réaction de Moscou visant à se réapproprier la Crimée.
A présent, la tension se déplace à l'est du territoire ukrainien. Alors que la situation reste confuse et que des affrontements ont fait des morts et des blessés, le journaliste de France 2 livre son analyse.
Francetv info : Sommes-nous en train de revivre un nouvel épisode de la reconquête russe ?
Alban Mickoczy : En tout cas, on est face à un scénario coordonné par quelqu'un. Personne ne croit que les groupes séparatistes agissent de façon isolée à Slaviantsk, Donetsk, ou Marioupol. En cela, ce qui se passe ressemble à la Crimée. Là-bas aussi, il y avait eu une forte coordination pour que les actions aient lieu en même temps à Simferopol et Sébastopol. De plus, actuellement, les groupes séparatistes ont la volonté de poser comme un fait accompli, la privation de tout pouvoir de l'administration ukrainienne.
A partir de là, ils pourraient demander le vote de la population qui porterait non pas sur le rattachement à la Russie mais sur une séparation d'avec le gouvernement de Kiev.
Pourquoi ne pas dire clairement que cette coordination vient de Moscou ?
Pour les Ukrainiens, pas de doute, c'est bien Moscou qui serait derrière tout cela. A titre personnel, j'ai encore rencontré des gens du Kremlin, hier, qui jurent leurs grands dieux que non, que cela répond en réalité à une exaspération populaire. Selon eux, les ukrainiens pro-russes sont assez grands pour se coordonner tout seul. A mon avis, la vérité se situe au milieu. Si Moscou ne donne pas d'ordre explicite à chacun des groupuscules dans chacune des villes, le Kremlin favorise néanmoins de manière logistique la constitution de ces groupes, en leur fournissant des équipements, et même des armes.
Il semble que les échauffourées de ces dernières heures aient fait des victimes, qu'en dit-on à Moscou ?
Cela vient du compte Facebook du ministre de l'intérieur ukrainien. C'est assez surprenant comme moyen pour informer sur cette crise. A Moscou, on parle de blessés des deux côtés et on s'en tient là. En tout cas, des échanges de tirs ont bien eu lieu.
Pour l'heure, les choses se sont un peu calmées jusqu'au prochain affrontement. Car, selon moi, la situation est clairement explosive. D'un côté, il y a des séparatistes ultra-déterminés, équipés et armés. De l'autre, une autorité ukrainienne qui tente de reprendre le contrôle de la situation pour éviter que ne se répète le scénario de Crimée.
Un cas est intéressant, c'est celui de la ville de Donestk qui est la plus grande de cette région. Il y a des séparatistes, mais ils ne sont que quelques centaines pour une ville d'un million d'habitants. Donc, on ne peut pas dire qu'il y a un enthousiasme populaire à l'idée de rejoindre les barricades pour s'opposer à l'armée ukrainienne. En fait, la population de cette région est pour l'instant assez spectatrice.
En intervenant sur le terrain cette fois, le gouvernement ukrainien fait un pari du type : ou cela passe, ou cela casse ?
Tout à fait. Soit, cela reste une opération de maintien de l'ordre, disons plutôt de reprise de contrôle avec un nombre limité de victimes. Soit, l'Ukraine échoue ; et là, cette crise ne peut que s'installer dans la durée. D'autant que Moscou n'agit pour l'heure qu'en fonction des opportunités qui se présentent ou non.
On voit bien qu'il n'y a pas de plan pré-établi, où on se serait fixé pour objectif de faire tomber les villes les unes après les autres. En fait, il y a des villes où la rébellion fonctionne et d'autres où ça ne prend pas. Donc les situations sont très variables, et par exemple, le fait de n'être qu'à quelques kilomètres de la Russie pour certaines villes n'est pas une garantie de réussite du soulèvement. Donc, en réalité, on est dans le temps de l'indécision absolue.
Vous décrivez une situation d'autant plus préoccupante que la Russie semble agir au jour le jour, sans vrai dessein ?
C'est ce que je pense, en effet. Certes, le rapport de forces est en faveur des pro-russes mais Moscou n'est pas complètement à la manœuvre parce que les Russes ignorent quoi faire dans l'avenir.
Oui, ils veulent stopper ce qu'ils appellent un putsch. Car, depuis le début, pour Moscou, les évènements de la place Maidan constituent un putsch inadmissible. Mais ils savent aussi qu'une partie de l'Ukraine ne rejoindra jamais la Russie, celle qui se situe à l'ouest du Dniepr, y compris Kiev. Et pour eux, c'est donc la fin du projet de l'union eurasienne que Poutine voulait mettre en place.
Oui, ils veulent affaiblir le pouvoir de Kiev, voire le discréditer pour empêcher la tenue des élections présidentielles du 25 mai prochain. Mais pour permettre quoi à la place ? Que faire de ces territoires ? Les Russes n'en ont pas le début du commencement d'une idée.







Edito du Monde du 15/04/2014 :  "Le jeu russe pour briser l'Ukraine" 

 Contrairement à ce qu'avancent les diplomates européens, Vladimir Poutine n'est pas si difficile à comprendre. Il fait ce qu'il dit. La règle vaut souvent pour les autocrates. Elle s'applique particulièrement bien au président russe.
M. Poutine ne veut pas d'une Ukraine indépendante, en tout cas d'une Ukraine qui disposerait de suffisamment de souveraineté pour conclure un partenariat avec l'Union européenne. Plutôt démanteler le pays, par la force s'il le faut. C'est ce que M. Poutine est en train de réaliser, avec d'autant plus de succès que l'Europe ne réagit guère.
Depuis une semaine, des militants prorusses armés de pied en cap s'emparent des bâtiments publics dans plusieurs villes de l'est de l'Ukraine. Ces militants bénéficient d'un large soutien de la population. Ils ont vite été rejoints par des soldats professionnels sans insigne, encore mieux équipés, le visage masqué. De l'autre côté de la frontière, en Russie, l'état-major a massé 40 000 hommes, prêts à intervenir dans l'heure.

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