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jeudi 10 juillet 2014

Les hommes du « Français » dans la bataille de Donetsk

Dans cette crise ukrainienne, la France est finalement un des pays qui m'aura le plus déçu. C'est triste, mais je constate que mon pays est devenu :
- premièrement celui qui a fait du parti le plus poutinolâtre d'Europe le premier parti de France aux dernières élections européennes
- deuxièmement le pays le moins courageux (et disons-le, le plus hypocrite), en assurant de son soutien l'Ukraine... tout en confirmant à Poutine que ses Mistrals seraient bien livrés. Bravo Flamby ! (la lâcheté, le cynisme, et l'hypocrisie, c'est maintenant!)
- Troisièmement le pays qui, toujours, parle de solidarité, et qui dans cette crise où il aurait pu montrer concrètement et pas seulement par les mots qu'il existait une véritable solidarité européenne, joue solo et trahi nos amis Estoniens, lituaniens, lettons, polonais, suédois, etc etc etc. Merci Flamby encore une fois ! (Cela dit, Marine Le Pen aurait fait aussi bien, n'en doutons pas). Comment dégrader l'image d'un pays déjà bien mal en point? mettez un Hollande au pouvoir ; et faites du FN le premier parti de France : succès assuré!
Je constate dans cette crise que le courage est du côté des ukrainiens et des ukrainiennes (voir Femmes de Donetsk) et des pays de l'est qui malgré le gaz russe dont ils sont très dépendants, soutiennent leur voisin ukrainien.
Plus les années passent, plus je me dis que le renouveau de l'Europe viendra du dynamisme des pays de l'est.

Si la bataille de Donetsk démarre un jour, les hommes du « Français » seront sans doute les premiers à mourir. Ils le savent, en plaisantent ou s'en enorgueillissent. Partout autour de Donetsk, l'armée ukrainienne progresse, dans la foulée de la chute de Sloviansk, le bastion des séparatistes pris le 5 juillet. Kiev a lancé une attaque, jeudi 10 juillet, à 30 kilomètres à l'ouest de Donetsk. Les combattants prorusses se sont réfugiés dans la métropole d'un million d'habitants, avec leurs armes et leurs blindés. Ils ont fait sauter plusieurs ponts autour de la ville.

Le « Français », lui, a reçu l'ordre de rester aux avant-postes, de tenir la petite ville de Marïnka, à une vingtaine de kilomètres de la capitale du Donbass insurgé. Pour éviter que les combats ne touchent des zones densément peuplées, explique-t-il, mais aussi pour tenir l'un des canaux qui alimentent Donetsk en eau. Il dispose, dit-il, de lance-grenades, de mortiers, et attend incessamment le renfort de blindés légers.
Le « Français » – le nom de guerre qu'il s'est choisi parce qu'il aime le « pays de la Révolution » – organise la défense, ce mardi 8 juillet. En bordure du bourg, un camion-grue empile des blocs de béton d'une tonne sur la route, un autre déverse du sable. Ses hommes, eux, aménagent un vieux bunker de la guerre froide, où ils se réfugieront quand l'artillerie ukrainienne enverra ses premières salves.
En attendant l'assaut, les combattants sont confrontés à une menace d'un genre bien différent. Un groupe de villageois s'approche timidement, avant d'apostropher l'homme qui manie la grue : « Les gars, pourquoi vous ne vous installez pas 200 mètres plus loin ? Ce sont nos maisons, ici ! » Le hameau est à 50 mètres. En cas de bombardement, il sera touché. Les villageois aussi ont leurs « bunkers » : des caves peu profondes et peu rassurantes, dans le fond de leur jardin.
« LES UKRAINIENS FUSILLENT TOUS LES HOMMES DE MOINS DE 35 ANS »
Le « Français » les comprend bien, il vient d'un village non loin, mais il ne bougera pas sa position. « Si on ne vous défend pas, vous êtes morts quand même. Vous savez ce qui se passe à Sloviansk ? Les Ukrainiens fusillent tous les hommes de moins de 35 ans. » L'information, apparue sur Internet, est fausse. Mais la rumeur s'est répandue, elle explique le jusqu'au-boutisme des combattants, la terreur des civils qui ne savent pas qui ils doivent craindre le plus.
Pour l'heure, Donetsk vit dans une semi-normalité. Les services municipaux fonctionnent, tout comme les fontaines, les mines, les usines. Mais la population a fui en masse, les rues sont désertées, la plupart des magasins sont fermés. Ceux qui sont ouverts sont mal approvisionnés. Les séparatistes ont interdit aux chargements de vivres de quitter la ville.
Les affiches à la gloire d'Igor Strelkov, le chef militaire des séparatistes, représenté en guerrier du péplum américano-britannique 300, à la tête d'une poignée d'irréductibles Spartiates, rajoutent à cette ambiance de fin du monde. Strelkov, de son vrai nom Igor Girkine, en qui Kiev voit un officier du renseignement militaire russe, a été contesté au sein des rangs séparatistes pour sa décision d'abandonner son fief de Sloviansk. « Si M. Strelkov décide soudain de quitter Donetsk, dans le but de sauver la vie des habitants ou celle de ses guerriers, nous ne suivrons pas ses ordres », a dit Alexandre Khodakovski, le chef du bataillon Vostok (« Est »), l'un des plus importants de l'armée rebelle. La scission entre les deux chefs militaires n'est un mystère pour personne.
Strelkov a officiellement reçu l'ordre du premier ministre autoproclamé de la « République de Donetsk », Alexandre Borodaï, de conduire la défense de la ville. Dans un entretien à la télévision régionale, il a ouvertement fait part de ses doutes : manque de combattants, population locale pas suffisamment convaincue du danger que représente l'armée ukrainienne. M. Strelkov a annoncé la formation d'une « armée professionnelle », c'est-à-dire que ceux qui rejoindront ses rangs recevront désormais un salaire, jusqu'à 500 euros.
Ajoutant au doute ambiant, les principaux chefs politiques des séparatistes sont invisibles depuis plusieurs jours, qui occupé à « coordonner l'aide humanitaire », qui à Moscou. C'est notamment le cas d'Alexandre Borodaï. La discrétion de la Russie, qui continue à pousser sur la scène diplomatique pour que Kiev accepte un nouveau cessez-le-feu unilatéral, est une autre source d'inquiétude et d'amertume parmi les combattants. L'intervention militaire attendue après la chute de Sloviansk n'est pas venue. La frontière avec la Russie, par laquelle ont transité ces dernières semaines d'importants convois d'armes, est désormais presque intégralement sous le contrôle ukrainien, rendant l'approvisionnement plus difficile.
« NOUS SOMMES OTAGES DES FAUCONS DES DEUX CAMPS »
Mercredi, un « ministre » séparatiste confirmait anonymement au Monde le « chaos » qui règne au plus haut niveau. Cet homme assurait que plusieurs des chefs politiques s'étaient enfuis et expliquait « ne pas savoir ce que les Moscovites faisaient en Russie ». « Nous sommes otages des faucons des deux camps », concluait-il, disant toutefois croire encore à une victoire militaire.
A quoi pourrait ressembler la bataille de Donetsk ? La ville, trois fois plus étendue que Paris, avec vingt-huit routes d'accès, est difficile à défendre. Elle est difficile aussi à attaquer. Quelques milliers de combattants munis d'un arsenal important peuvent sans doute y tenir longtemps. Devant l'échec d'une solution négociée, Kiev a fait de sa reprise sa priorité, avant Louhansk, l'autre grande ville du Donbass, et les quelques dizaines de villes moyennes qui restent aux mains des séparatistes. Le gouvernement voudrait aller vite. Pour l'heure, il s'attache à construire une pax ukrania dans les territoires libérés. A Sloviansk, on distribue des vivres ; à Kramatorsk, la garde nationale a protégé mardi une statue de Lénine qu'une petite foule souhaitait abattre.
Le président Petro Porochenko a promis de ne pas bombarder « massivement » la capitale du Donbass, organisant un « blocus » qui ne concerne pas les civils qui souhaiteraient quitter la ville. Un scénario « à la Sloviansk » – un long siège et des bombardements réguliers – semble inimaginable dans une telle ville, mais l'étau qui se resserre sur Donetsk paraît devoir mener à cette issue. Difficile de savoir si, dans un tel cas, la population fera bloc derrière les séparatistes. Dimanche, 2 000 personnes seulement sont sorties manifester sur la place Lénine en soutien aux combattants et contre le « génocide » du peuple du Donbass.
Retour à Marïnka. Un avion ukrainien passe au-dessus du village, rapidement suivi du bruit d'une explosion. L'obus est tombé à quelques kilomètres de là, dans l'agglomération de Donetsk, sur le quartier de Petrovka. C'est la première attaque aérienne sur la ville. Les habitants sont terrifiés. Ils s'étaient habitués aux tirs d'armes automatiques, « pas à ça », dit une femme en pleurs qui interdit à son mari de retourner travailler. Une mine de charbon a été touchée. Elle est entourée d'un quartier d'habitation, à l'intérieur duquel se trouve une petite base de combattants séparatistes. C'est sans doute elle qui était visée.


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