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samedi 12 juillet 2014

Les Mistrals, c'est le puissant vent qui balaye la solidarité européenne [+ Rappel sur la Crimée : récit d'Olena Maxymenko]


Le directeur du programme des Affaires étrangères et de la sécurité internationale du Centre de Razoumkov et l'expert militaire ukrainien Olexiy Melnyk : « Les Mistrals, c'est le puissant vent qui balaye la solidarité européenne ».
À Kiev, le 11 juillet 2014

« En vendant des bâtiments de projection et de commandement a la Russie, la France lui montre son approbation. Les Mistrals, c'est le puissant vent qui balaye la relation franco-américaine, qui balaye l'idée même de l'OTAN et qui balaye notre espoir dans certains de nos partenaires européens » a dit l'expert militaire ukrainien et le directeur du programme des Affaires étrangères et de la sécurité internationale du Centre de Razoumkov, Olexiy Melnyk lors d'une conférence de presse en Ukraine Crisis Média Center. L'expert a souligne que le début des négociations sur la vente datait de la fin de 2008, après la russo-géorgienne. « À cette époque, l'Europe a aussi menacé la Russie des sanctions. Au lieu d'imposer ces sanctions, la France a souscrit un contrat en vertu duquel elle s'est engagée à livrer à la Russie deux porte-hélicoptères amphibies d'assaut ».
Monsieur Melnyk a parlé également des caractéristiques des « Mistrals » : « Le déplacement est de 21 000 tonnes, la longueur maximale du corps est de 210 mètres, la largeur est de 32 mètres, la profondeur au niveau du poste de pilotage est de 27 mètres, un tirant d'eau est de 6,42 mètres, la vitesse est de 18,5 nœuds (1 nœud - 1 mile nautique par heure ou 1852 kilomètres par heure), 20,000 miles d'autonomie (le navire peut faire 10 fois le tour de la mer Noire et revenir à Sébastopol). Le navire peut contenir 16 hélicoptères pesant 12 tonnes (la taille du hangar est de 1800 mètres carrés) , 8 Ka-52K (Hélicoptères d'attaque russe, version navale. Cet hélicoptère possède des fonctions de reconnaissance et de combat) + 8 Ka-29 (hélicoptère de transport) » , avant de rajouter : « Il est évident que la Russie achète ces navires pour augmenter les capacités de combat de la Marine russe, pour pouvoir déplacer les troupes militaires à la distance importante ».
L'experte a exprimé sa déception du fait qu'un pays « qui est un membre de l'OTAN, le membre permanant du Conseil de Sécurité de l'ONU, un des plus puissants États européens, aujourd'hui, montre son incapacité de réfléchir stratégiquement. Il s'agit non seulement du menace qui pèsera sur l'Ukraine, la Georgie et d'autres pays du bassin de la mer Noire. Il est très déraisonnable de la part de France de transmettre ses technologies à un pays qui est ennemi potentiel. La Russie utilisera forcement ces technologies pour faire la concurrence a la France, mais, probablement, aussi pour mener des opérations militaires contre la France. Cette vente démontre la faiblesse des leaders européens, leur tolérance pour ses doubles standards. Cette vente sème la discorde entre les pays membres a l'intérieur de l'Union Européenne, entre l'Union Européenne et les Etats-Unis et d'autres États membres de l'OTAN ».
Monsieur Melnyk a rappelé la citation d'un amiral russe Vladimir Vysotsky, selon lui : « Si la Russie avait disposé de navires d'assaut Mistral, la guerre contre la Géorgie n'aurait pas duré vingt-six, mais quarante minutes seulement » et la situation du président russe Vladimir Poutine qui a dit récemment que la Russie « utilisera ces navires-là, où elle jugera nécessaire ».
Olexiy Melnyk a aussi souligné qu'en vendant les Mistrals à la Russie, la France viole « l'Exportation d'Armements Code de Conduite de L'Union Européenne ». Notamment, le quatrième critère, selon lequel, « les États membres ne délivreront pas d'autorisation d'exportation s'il existe un risque manifeste que le destinataire envisagé utilise l'exportation en question de manière agressive contre un autre pays ou pour faire valoir par la force une revendication territoriale», ainsi que le sixième critère qui appelle à faire attention au «comportement du pays acheteur à l'égard de la communauté internationale, et notamment son attitude envers le terrorisme, la nature de ses alliances et le respect du droit international . Les États membres tiendront notamment compte des antécédents du pays acheteur dans les domaines suivants :
a) le soutien ou l'encouragement qu'il apporte au terrorisme et à la criminalité organisée internationale ;

b) son respect de ses engagements internationaux, notamment en ce qui concerne le non-recours à la force, y compris dans le domaine du droit humanitaire international applicable aux conflits internationaux et non-internationaux ;

c) son engagement en faveur de la non-prolifération et d'autres domaines relevant de la maîtrise des armements et du désarmement, notamment la signature, la ratification et la mise en œuvre des conventions pertinentes en matière de maîtrise des armements et de désarmement visées au point du premier critère. »







Gilles HERTZOG,
journaliste, éditeur et écrivain français et directeur de la publication de la revue « La Règle du Jeu »

CRIMEE.
Quelque chose est passé quasiment inaperçu.
Nous entendons partout, non seulement dans la bouche de Poutine, mais en Europe même, que la Crimée fut rattachée par Kroutchev à l’Ukraine en 1954, quand cela n’avait aucune importance, l’URSS coiffant tout, et qu’elle n’a jamais été ukrainienne ni de peuplement ni politiquement. C’est tout simplement faux.
Elle fut ottomane et tatare avant que les Russes ne s’en emparent par la force à la fin du XVIIIè siècle, et en 1945, ne déportent tous les Tatars (ils ne sont revenus qu’à la chute de l’URSS) Mais c’est faux, plus encore, politiquement, car si Kroutchev agit souverainement sans demander quelqu’aval que ce soit à qui que ce soit, il se trouve qu’à la chute de l’URSS en 1991, l’Ukraine, proclamant son indépendance en août, un referendum fut organisé en décembre dans tout le pays, Crimée compris, sur l’indépendance du pays. « Approuvez-vous l’acte de déclaration de l’indépendance de l’Ukraine ? »
Sait-on comment vota la Crimée, et les mêmes populations, exactement, qu’aujourd’hui ? Non seulement nul, en Crimée, ne dénonça le referendum comme illégitime tant il irait de soi que la Crimée serait russe, même si le taux d’abstentions fut élevé (60%), mais 54 % des habitants, russes et non russes de Crimée, se prononcèrent pour l’indépendance de l’Ukraine et 46 % contre. Le pourcentage atteignit même 58 % à Sébastopol, base de la marine russe, …Quant aux provinces orientales ukrainiennes, que Moscou convoite de détacher de l’Ukraine et de faire passer sous sa coupe sous prétexte qu’ils sont peuplés de russophones « opprimés » par les « fascistes » de Kiev, les chiffres sont encore plus éloquents, flirtant partout avec les 90 %, à Kharkov, au Donetsk et ailleurs.
La Crimée, de la volonté même de ses habitants, est ukrainienne, au moins depuis 1991.
Invoquer 1954 est un pur artifice. Que les Russes ukrainiens de Crimée aient, depuis, changé d’avis, est leur droit. Mais alors, à l’inverse du référendum bidon d’hier, à l’image, au contraire, de ce qui fut fait pour le maintien ou non de la Nouvelle Calédonie dans la République, sous Mitterrand, où votèrent tous les Français, le seul référendum légitime et démocratique est de demander aux Ukrainiens tous ensemble si la Crimée doit ou non rester ukrainienne. Cela et cela seul s’appelle le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Seuls tous les Ukrainiens et non une fraction d’eux-mêmes peuvent disposer de la Crimée. Encore moins Vladimir Poutine et ses affidiés sur place.

Merci à Lubov Bondarchuk pour avoir partagé cet article.





Olena Maxymenko, 27 ans, journaliste pour Oukraïnsky Tyjden, enlevée en Crimée pendant deux jours. - Photo : Oukraïnsky Tyjden

Mon enlèvement en Crimée, un long moment d'horreur

Le 9 mars dernier, Olena Maxymenko, pigiste permanente d'Oukraïnsky Tyjden envoyée en Crimée, était enlevée par des hommes armés. Libérée deux jours plus tard, elle témoigne.

Notre "équipage" d'aventurières se rapproche de la frontière avec la Crimée. Nous avons toutes des objectifs différents : l'une tient à voir de plus près ce qui se passe là-bas et à rendre visite à des proches, l'autre veut faire une série de photos, la troisième écrire un reportage. Nous ne sommes unies que par une chose : la peur quant à l'avenir de la région et de ses habitants.
Les rumeurs les plus diverses courent au sujet des postes de contrôle, mais aujourd'hui, comme nous l'ont affirmé des sources bien informées, tout est calme. Bien sûr, mieux vaut mettre de côté la langue ukrainienne et tous les symboles qui y sont liés. Prudemment, je range mes rubans bleus et jaunes.
La frontière ressemble à celle qui sépare deux Etats : nous franchissons d'abord le poste de contrôle ukrainien, où nous sommes bien reçues et où l'on consulte nos papiers d'identité avant de nous souhaiter bon voyage. Ensuite, direction les "petits hommes verts" [surnom donné en Ukraine aux soldats "inconnus" déployés par la Russie un peu partout en Crimée] et de vieilles connaissances : des représentants des Berkouts [les unités antiémeute de l'ancien régime].
"Les journalistes ne viennent en Crimée que pour déformer"
"Le but de votre voyage ?" nous demandent d'un ton sec les hommes en vert, avant de nous ordonner de descendre du véhicule. En une fraction de seconde, tous nos effets personnels se retrouvent étalés par terre. Nos appareils photos, nos cartes de presse et un gilet pare-balles (portant la mention "presse", comme il convient), sont autant de preuves de nos "intentions criminelles", et justifient l'agression dont nous sommes victimes.
"Tous les journalistes ne viennent en Crimée que pour déformer ce qui s'y passe", nous disent-ils. "Pas besoin de ça, ici, tout va bien, tout est calme ! Et vous, là, qui venez faire des photos ici ! Ici, nous ne tolérons pas le désordre !" crache un des gardes. Ces hommes, des militaires russes, des "cosaques" et des Berkouts, suivent tous le même code vestimentaire, ils portent des rubans tricolores [blanc-bleu-rouge, couleurs du drapeau russe] ou orange et noir, le ruban de Saint-Georges [la plus haute décoration militaire russe, devenue un symbole nationaliste dans la Russie de Vladimir Poutine].
Le ton monte encore, on nous accuse de provocation, nous traite de "chiennes bandéristes" [du nom de Stepan Bandera, chef du mouvement insurrectionnel ukrainien pendant la Seconde Guerre mondiale, considéré comme un collaborateur par les Soviétiques et encore aujourd'hui par les Russes].
"Personne ne viendra vous chercher !"
Ce qui se passe ensuite n'est qu'un long moment d'horreur. Ils nous embarquent en voiture jusqu'à un fossé, nous obligent à nous y agenouiller et nous menacent de mort. "Vous voyez, pas de témoins, on a creusé un trou - personne ne viendra vous chercher ! Allez les gars, butez-les !" Ils nous insultent, nous balancent une litanie chaotique de faits "historiques" censée démontrer que nous ne méritons pas de vivre sur une planète déjà surpeuplée et qu'il faut la nettoyer de la racaille dans notre genre. Des coups de feu éclatent. "Hahaha, raté !"
On m'ordonne de retirer mes lacets. Puis une femme qui se présente comme un médecin me hurle que je suis une droguée parce que mes pupilles sont dilatées, dit qu'elle m'a vue sur la 5e Chaîne. Une autre question fuse : "Combien ils te payent ?" Un des "cosaques" m'exhibe un passeport, me déclare que maintenant que je sais qui il est, et où, je dois mourir. Je prends un coup sur la tête, on m'agrippe par les cheveux.
Ils nous entraînent dans une cave, et là, nous nous disons que tout est fini. On nous attache les poignets, avec du ruban adhésif ou des menottes en plastique, et on nous emmène vers une destination inconnue. Les hommes qui nous accompagnent se montrent plus aimables, nous assurent qu'il ne nous arrivera rien de mal sauf s'il s'avère que nous sommes des extrémistes. Nous sommes apparemment maintenant entre les mains des forces "d'autodéfense de Crimée", dont les membres ne nous cachent pas qu'ils sont des militaires russes.
"Se moquent-ils de nous, ou peut-on parler 'd'hospitalité' ?"
Ensuite, un nouvel ordre, nous devons nous tenir debout face à un mur, main dans le dos. Nous restons là pendant près de deux heures, dans le froid, redoutant à chaque instant d'entendre le mot : "Feu." Au moment où nos jambes sont sur le point de lâcher, on nous fait entrer. Chacune d'entre nous est obligée de se déshabiller, nos vêtements sont méticuleusement fouillés. Par miracle, ils ne remarquent pas mes rubans, preuve qu'ils me portent bonheur.
On nous fouille ensuite au corps, pour vérifier que nous ne dissimulons pas de la drogue. Dans l'ensemble, les soldats russes se comportent remarquablement bien, après ceux de la frontière, et la communication reste polie. Ils nous nourrissent : du borchtch, du pain, du lard, de l'ail et de la bouillie de sarrasin, mais se moquent-ils de nous ou peut-on parler "d'hospitalité" ?
Ces types en cagoule ont l'air très jeunes, et ils nous dévisagent, nous, les nouvelles venues, avec curiosité. Nous cherchons à dialoguer, mais la tentative échoue bien vite quand ils expriment leur "outrage" face à ce qui s'est passé dans les rues de Kiev. Animés de l'excès d'enthousiasme de la jeunesse, ils sont persuadés de faire ce qu'il faut pour garantir la paix et que leur action est la seule réponse possible à l'agression des "fascistes" et des "bandits". Un de leurs principaux arguments : l'abolition de la tristement célèbre loi sur la langue [votée du temps de Ianoukovitch et qui revenait à faire du russe, sous couvert de défense des langues des minorités, la deuxième langue officielle du pays] et la peur d'une ukrainisation forcée.
"On a été trahi par tous !" - Sauf Moscou
Toute une nuit, et le jour suivant, nous sommes soumises à des interrogatoires. La nuit, en isolement, nous entendons une conversation inquiétante dans les couloirs : des Berkouts seraient arrivés, avec l'intention d'embarquer les prisonnières "maïdanistes". Des Berkouts qui vivraient dans la peur constante due à la légende des tortures infernales que leur auraient infligées les "bandéristes" fous. "On veut juste survivre, disent-ils. On a été trahi par tous !" Par tous, sauf Moscou, qui leur distribue généreusement des passeports russes.
Le lendemain, on nous sort de nos cellules. Un homme qui se présente comme le commandant nous lance : "Vos convictions politiques, je m'en fous. Mon boulot, c'est d'obtenir des Berkouts et des "cosaques" que vous soyez relâchées, et ça ne va pas être facile." Et nous voilà de nouveau embarquées, encadrées de deux soldats en armes, cette fois, pour nous protéger.
Sur la route, il y a une longue discussion, le commandant des forces d'autodéfense de Crimée négocie avec les "cosaques" et les Berkouts pour le salut de nos âmes. Les types, toujours armés, finissent par nous laisser.
Nous retrouvons notre voiture. Les appareils photos, les dictaphones, tout le matériel couteux s'est volatilisé. Terrifiées, nous fonçons à toute allure, avec un seul désir : quitter la région le plus vite possible. Même si nous n'avons pas pu communiquer avec la population civile et comprendre l'atmosphère qui prédomine à Sébastopol, notre contact avec la "guerre" compense largement ces lacunes.
Sur le chemin du retour, nous ne pouvons nous défaire du sentiment que la Crimée se transforme de plus en plus en une zone interdite entourée de barbelés. Où règne désormais un système orwellien.
- Publié le 13 mars 2014 dans Olena Maxymenko











3 commentaires:

  1. Même si l'auteur de l'article sur La Règle du Jeu a raison, je trouve dommage de relayer ce texte vu sa source.

    Vous boycottez Despot, il faut boycotter aussi BHL, sinon cela revient à alimenter des malentendus, enfin c'est mon avis.

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    1. En fait, ce site (Le règle du jeu), je ne le consulte jamais. Je suis tombé par hasard sur le texte de Gilles Hertzog, je l'ai trouvé honnête et bien argumenté. Lorsque je ne connais pas un auteur, je fonctionne toujours en lisant d'abord son texte, puis je me fais mon opinion en confrontant ledit texte à mes expériences et précédentes lectures. C'est ce que j'ai fait aussi avec le texte de Despot.
      Finalement, je fonctionne un peu comme LF Céline : peu m'importe de savoir qui est l'auteur d' un texte pour juger de la forme et du fond de ce texte...

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    2. J'entends bien, mais Céline n'était pas pris dans une guerre de propagande...

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