1 Maïdan retrouve son apparence
La mairie l'avait annoncé peu après
l'élection du 25 mai : le temps était venu de se mettre au
travail pour remettre en état la place de l'Indépendance (appelée
aussi place Maïdan). Lors de mon voyage en mai, la place avait gardé
la même apparence que lors des événements ayant conduit
Yanoukovitch à fuir en Russie, le bruit et la fureur en moins. La
révolution était terminée, le calme était revenu après la
tempête. Mais les barricades, les campements, les pavées étaient
encore en place. Et les élections se déroulaient dans ce décors
surréaliste.
En août, peu de temps avant de ma
venue, je lisais dans les journaux qu'à nouveau la place Maïdan
était en proie à des affrontements. Cela a été très amplifié,
je crois. Un de mes contacts à Kiev me dit qu'il s'agissait surtout
de sans-abris qui voulaient encore profiter un peu des lieux centraux
de la ville (le dialogue a finalement permis de trouver une
solution). La Mairie a probablement voulu démonter les tentes un peu
brutalement. Mais l'urgence est aujourd'hui le combat à l'est et non
plus à Kiev. En tous cas, lorsque je me rendais sur la place, tout
était très calme, et les ouvriers travaillaient encore à remettre
les choses en l'état. Voici quelques photos.
Les tentes qui étaient sur la place depuis de la révolution ont été démontées. Ces tentes sur la droite sont en train d'être assemblées, en vue des festivités pour la fête nationale du 24 août.
Il n'y a plus de trace des anciennes
tentes. Sur cette photo, on aperçoit "l'arbre de Noël" de Yanoukovitch en train d'être démonté par une grue
A l'avant plan : le symbole de l'Ukraine (le trident). A l'arrière plan (en vert) : les derniers pans de la structure de l'arbre de Noël (d'ici 2 heures, il sera complètement démonté)
Regardez le bâtiment au fond. Il s'agit de celui qui avait brûlé (voir mon billet relatif à mon voyage de mai). Il sera bientôt reconstruit ; en attendant, ce gigantesque échafaudage
joliment décoré recouvre la façade brûlée.
Le bâtiment, vu d'un peu plus près
Ce banc, je l'avais photographié en mai ; il était en train d'être peint par une bénévole (voir la photo avec la peintre dans mon billet de mai). La peinture a un peu vieillie, mais le banc n'a pas du tout été dégradé.
2 Un fort sentiment patriotique est né
Un mot tout d'abord sur le discours
honteux de Mélanchon que je viens d'entendre ce 24 août 2014.
Mélanchon compare l'Ukraine à un pays de nazis, fantasme sur l'OTAN
qui aurait attaqué la Russie (Monsieur Mélanchon devrait arrêter
la vodka. L'alcool détruit les neurones, G. Faye en sait quelque
chose), et prête allégeance au plus grand criminel européen depuis
Staline qu'est Poutine. Remettons les points sur les i : 1/il
n'y a pas ou très peu de nazis en Ukraine, et ils ne sont pas au
pouvoir. Les vrais nazis dans cette crise sont russes et ils sont au
pouvoir. 2/ L'Ukraine n'est pas une région de la Russie ; c'est
une nation, reconnue comme telle par tous les pays du monde y compris
par la Russie ; si elle veut l'OTAN sur son territoire, elle en a le droit. 3/ Ce n'est pas l'Ukraine qui a attaqué la Russie mais
la Russie qui attaque l'Ukraine. 4/ Ce n'est pas l'Ukraine qui rêve
d'un « espace vital » ou d'une « empire
soviétique » mais bien la Russie.
Les ukrainiens, en revanche
sont nombreux à être de vrais patriotes. Monsieur Mélanchon
considère que patriotisme = nazisme. Monsieur Mélanchon, comme la famille Le Pen, en tant qu'idiot utile de Monsieur Poutine, a toute sa
place au sein du Guignol's Band (nous lui réserverons une place de
choix).
Revenons aux choses sérieuses. Quelque
chose m'a vraiment étonné par rapport à mon précédent séjour.
Alors qu'en mai, je voyais surtout des drapeaux (le drapeau
national ; le drapeau rouge et noir ; le drapeau européen),
aujourd'hui, les couleurs nationales, le jaune et le
bleu, se sont étendues un peu partout (et pas seulement sur les drapeaux) : sur des poteaux,
sur des barrières, sur des trottoirs, sur tout types de décorations.
Ici, des gens ordinaires décident
d'eux même de prendre le pinceau et de repeindre des couleurs
nationales leur rue, leur quartier, leur ville, leur pays.
cette barrière est terminée...
Près de l'hostel où je réside,
j'observe de nombreux petits groupes, de 2 à 5 personnes, de part et
d'autre des rues. Chaque groupe est armé de pinceaux, et de deux
pots de couleur : l'un bleu, l'autre jaune. Les tâches se
répartissent comme suit : des peintres, des « collecteurs ».
Les « collecteurs » se
positionnent à un feu rouge. Ils font passer une urne aux chauffeurs
des véhicules arrêtés pour l'achat de la peinture. Mais cela n'a
rien à voir avec la mendicité que l'on peut rencontre en France
lorsque l'on arrête sa voiture à un feu rouge. Non, ici, c'est une
collecte « patriotique ». Et ça fonctionne (il faut dire
que tout le monde voit tout de suite où va l'argent, puisque les
barrières et poteaux encadrant les carrefours brillent de leurs
nouvelles couleurs). Tout le monde voit ces peintres bénévoles travailler en direct. C'est vraiment étonnant de voir ça ; et
je dois dire que je suis envieux de l'engouement, de l'espoir, de
l'optimisme, du dynamisme que je ressens dans ce pays qui est l'un
des plus pauvre d'Europe, et qui en ce moment même est en proie à
une « vraie » guerre contre le plus puissant pays
d'Europe, guerre dont le nombre de victimes a d'ores et déjà
dépassé celui de la guerre en ex-Yougoslavie.
C'est toute une ville aux couleurs nationales qiu se prépare, pour la fête nationale du 24 août.
Le sac à main de cette charmante ukrainienne est assorti aux barrières que l'on aperçoit au loin
Le propriétaire de cette voiture doit faire partie des riches ukrainiens. Il affiche son patriotisme en mettant des "protège-rétroviseurs" aux couleurs nationales.
Tout y passe, cette bordure aussi. Regardez l'affiche sur cette photo : c'est une peinture de Taras Chevtchenko, ce poète très apprécié des patriotes ukrainiens, au même titre que Stephan Bandera.
Le métro aussi est en bleu et jaune (tout comme les bus, et les trains). Si vous visitez Kiev, je vous conseille de descendre dans le métro : c'est très beau, très propre, joliment décoré. Un peu à l'opposé de celui de Paris.
C'est la route allant à l'aéroport de Kiev. La peinture des barrières est terminée sur cette route.
Ce patriotisme n'existait pas,
auparavant. L'agressivité de la Russie à l'égard de l'Ukraine a
créé cela, me dit un ukrainien. Auparavant, jamais les ukrainiens
n'arboraient avec autant de fierté les couleurs de leur pays.
Je suis admiratif, et je me dis que
cela ne peut pas exister en France. Des gens qui décideraient
d'eux-même d'aller décorer leur ville des couleurs nationales, qui
donneraient leur temps et leur argent pour cela, je doute que cela
puisse mobiliser du monde. La population française est beaucoup trop fragmentée et beaucoup trop "diverse", les clivages trop forts pour espérer une unité nationale comme en Ukraine.
Et puis, de toutes façons, le
pointillisme réglementaire n'autoriserait pas cela. Ne parlons pas du temps qu'il faudrait pour demander une hypothétique
autorisation, ni du dossier qu'il faudrait monter, ni des comptes que
l'on aurait à rendre.
Si en France, quelqu'un
de bonne volonté décidait de décorer sa ville à la façon
ukrainienne, même pour l'embellir des couleurs nationales, ou
locales, ou même européennes, nul doute qu'il se retrouverait au
poste de police pour dégradation de lieux publics.
Merci pour ce joli reportage.
RépondreSupprimerUne étude du Pew Research Center confirme la montée du sentiment national ukrainien :
http://www.pewglobal.org/2014/05/08/despite-concerns-about-governance-ukrainians-want-to-remain-one-country/