"la désintégration de l'URSS est la
plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle" (Vladimir Poutine)
Diviser pour mieux régner
La France et la Grande Bretagne se
querellent à propos de la vente du navire de guerre français à la
Russie. Mais l'influence russe passe plutôt par son emprise sur les
petits pays à travers ses investissements dans l’énergie, qui
visent moins à faire de l'argent qu'à bloquer toute stratégie
unifiée européenne à son égard.(slate)
Au vrai, c’est bien une guerre, au sens premier du terme, qui se déroule dans le Donbass et sur les frontières : un conflit armé et sanglant entre entités politiques. Chaque jour, des hommes meurent au combat et les « pro-russes » se targuent d’avoir détruit plusieurs aéronefs ukrainiens. Le 17 juillet dernier, un nouveau seuil a été franchi.
A
l’évidence, cette guerre n’est pas un simple conflit intérieur,
sans grand sens ni portée historique, dans un angle mort du
système-monde. Le Kremlin est derrière les milices armées qui,
après la Crimée, veulent arracher d’autres terres à l’Ukraine.
Les slogans, l’argent, les armes et les combattants à l’origine
du séparatisme viennent de Russie.
Moscou
mène donc contre l’Ukraine une « guerre couverte », composante
d’une manœuvre politico-stratégique d’ensemble qui combine
violence armée, propagande éhontée, rupture des approvisionnements
énergétiques et pressions économiques. Enfin, une intervention
militaire directe russe n’est pas exclue. Tout dépendra de la
situation, des circonstances et du niveau de résolution de
l’Occident.
Cette
guerre couverte est le fil conducteur qui mène à la « grande
stratégie » russe. Si le but immédiat est d’interdire aux
Ukrainiens la restauration de leur souveraineté, et son libre
exercice, l’objectif d’ensemble est plus large et interpelle les
gouvernements occidentaux.
Vladimir
Poutine veut sa revanche sur l’issue de la Guerre froide.
L’occupation de la Crimée est la manifestation concrète d’une
doctrine révisionniste qui vise à repousser les frontières et
unifier le « monde russe ». Au-delà, il s’agit de regrouper les
États successeurs de l’URSS sous la férule de Moscou. Telle est
la signification politique de l’Union eurasienne.
L’Ukraine
est la pierre angulaire de ce projet géopolitique et des
représentations eurasistes qui le fondent. Les variations dans le
discours russe, faibles au demeurant, et les alternances de rythme ne
doivent pas induire en erreur : l’épreuve de force autour de
l’Ukraine est destinée à durer. L’appel réitéré à la «
désescalade » et l’euphémisation des réalités sont vains.
| L’Europe une et libre menacée
L’aire
post-soviétique n’est pas seule concernée. La politique russe du
ressentiment, le révisionnisme proclamé et le projet réunioniste
de « Russie-Eurasie » menacent la paix et la liberté en Europe. Le
rattachement manu
militari
de la Crimée et la guerre dans le Donbass remettent en cause les
fondements du système européen. La comparaison faite à Moscou
entre le règlement de l’après-Guerre froide et la paix de
Versailles devrait susciter autrement plus d’inquiétude.
La
« grande stratégie » russe se déploie aussi sur le plan mondial.
A travers les BRICS et l’OCS (Organisation de coopération de
Shanghai), Moscou prétend animer une coalition planétaire de
mécontents. L’opposition aux régimes constitutionnels-pluralistes
à économie de marché lui tient lieu d’idée-force. En effet, le
« discours multipolaire » est d’abord une polémique
anti-occidentale.
Il
est vrai que les modalités pratiques du partenariat sino-russe
mettent au jour le différentiel de puissance entre les deux pays.
Moscou a cédé sur le prix du gaz – Pékin a refusé les tarifs en
vigueur dans les pays importateurs européens – et les exportations
d’armes vers la Chine compromettent l’avance militaire russe.
En
dynamique, la Russie glisse dans l’« étranger proche » de la
Chine mais l’opposition à l’Occident prime sur toute autre
considération. Pour mieux peser en Europe, Poutine cherche des
appuis en Asie.
suite : Institut Thomas More
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