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dimanche 1 février 2015

Des voix s'élèvent à l'Ouest pour armer Kiev

Face à l'aggravation de la situation sur le terrain et à l'inefficacité des sanctions, les Occidentaux s'interrogent sur leur politique à l'encontre de la Russie.

Face à l'impasse diplomatique et à l'intransigeance de Vladimir Poutine, la question de fournir des armes à l'armée ukrainienne, longtemps mise sous le boisseau par les capitales occidentales, ressurgit. «Le temps presse. L'Ukraine a besoin de l'aide de l'Occident maintenant», plaident Strobe Talbott et Steven Pifer, deux responsables de la Brookings Institution, dans une tribune publiée par le Washington Post. Même son de cloche chez le sénateur républicain John McCain, qui déplore sur Twitter: «Le massacre continue, mais toujours pas d'armes pour l'Ukraine». Pour ses partisans, un transfert d'armes défensives aux forces ukrainiennes, en restaurant la dissuasion conventionnelle, permettait de rééquilibrer le rapport de forces entre les belligérants et d'éviter l'effondrement du pays. En rendant le prix de l'offensive militaire suffisamment coûteux pour que Moscou accepte un compromis politique, il pourrait ralentir les combats, voire les faire cesser.
Comme jadis en Bosnie, où les combattants serbes étaient épaulés par la Serbie voisine, les rebelles de l'est de l'Ukraine sont équipés et soutenus par Moscou. La Russie a «envoyé des centaines de pièces d'armement», des chars, de l'artillerie lourde et des véhicules blindés aux séparatistes, dénonce Samantha Power, l'ambassadrice américaine aux Nations unies. L'armée ukrainienne, qui ne s'était pas préparée à la guerre, ne peut répondre qu'avec un équipement vétuste et insuffisant. «Vladimir Poutine ne s'arrêtera pas là. Les armes qui arrivent de Russie sont de plus en plus sophistiquées. Il faut fournir à l'Ukraine les moyens de résister à l'agression», plaide un diplomate ukrainien.
Pendant longtemps, le sujet n'a guère été en vogue dans les capitales occidentales. «Il n'y a pas de solution militaire» à la guerre, affirment à l'unisson les responsables européens et américains, qui ne veulent pas «nourrir le conflit» en fournissant des armes supplémentaires. Ils ont peur d'être entraînés dans une guerre avec la Russie et misent depuis le début sur un règlement politique du conflit. Les États-Unis ont certes fourni une assistance militaire aux forces ukrainiennes, mais uniquement non létale.
Comme en Syrie, où certains pays ont tardivement décidé de soutenir militairement l'opposition dite modérée, la dégradation de la situation en Ukraine pourrait bien remettre le sujet sur la table. Au niveau militaire, la «désescalade» espérée et annoncée n'a pas eu lieu. Le cessez-le-feu de Minsk, signé en septembre, n'a jamais été respecté. «Vladimir Poutine a utilisé les accords de Minsk pour faire une pause dans les combats et assoupir les Occidentaux avant de reprendre l'offensive», analyse le diplomate ukrainien. Après quelques semaines de trêve, les combats ont repris de plus belle à l'est de l'Ukraine. Après l'aéroport de Donetsk, les rebelles, épaulés par des troupes de Moscou, ont lancé une offensive contre la ville stratégique de Marioupol, sur la mer d'Azov, dont la prise permettrait d'assurer une continuité territoriale entre la Crimée annexée en mars et la Russie. Les combats ont fait plusieurs dizaines de morts en quelques jours. Les pourparlers organisés à Minsk, en Biélorussie, samedi entre Ukrainiens et séparatistes prorusses ont échoué.
Au niveau diplomatique, les sanctions imposées par les Occidentaux n'ont pas produit l'effet escompté. Elles ont contribué à la dégringolade de l'économie russe, mais n'ont eu aucun impact sur le rapport de force sur le terrain. Elles n'ont pas conduit Vladimir Poutine à changer de politique. Certains estiment qu'elles ont même produit l'effet contraire, favorisé la fuite en avant militaire et renforcé la popularité du président russe, qui se présente, auprès des siens mais aussi de ses alliés étrangers, comme une victime des Occidentaux.
Ajoutée aux doutes qui traversent les capitales européennes sur la politique à mener vis-à-vis de la Russie, la victoire électorale du parti prorusse Syriza en Grèce a encore élargi les fissures au sein de l'Union. La nouvelle donne européenne rend désormais très difficile un nouvel alourdissement des sanctions.
La décision de livrer des armes au pouvoir réformiste et proeuropéen de Kiev appartient à chacun des États membres de l'UE. Elle échappe donc à la règle du consensus en vigueur pour les sanctions. La Pologne et les pays Baltes ont déjà dit qu'ils étaient pour. La France, qui aimerait jouer le rôle d'un pont entre l'Europe et la Russie, n'a jamais été très favorable à cette solution. Absorbés par la menace djihadiste, les États européens sont désemparés face à l'attitude russe.
Faute d'avoir agi au début du conflit, les forces de l'Otan avaient dû se résoudre à intervenir militairement contre les Serbes en Bosnie (1995), puis au Kosovo (1999). L'engrenage, c'est ce que redoutent aujourd'hui Talbott et Pifer: «Si l'Occident ne fait pas reculer la Russie aujourd'hui, il devra affronter de sa part, ailleurs, des défis plus grands et même des défis armés, qui exigeront des réponses plus coûteuses.»





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