Lundi 17 août, un tribunal russe a dédommagé d’un rouble symbolique la journaliste Lyudmila Savchuk. Inflitrée pendant deux mois au sein de l’Internet Research Agency, une agence de propagande pro-russe, elle a attaqué son ex-employeur pour violation du code du travail puisqu'elle n'avait jamais reçu de contrat et qu'elle était payée en cash. L'objectif indirect de ce procès était de mettre en lumière la propagande opérée par l'agence et son influence néfaste dans le débat public.
Pendant deux mois, Lyudmila Savchuk, activiste de longue date, a été une «troll du Kremlin». Elle s'est infiltrée dans l’agence pour observer son fonctionnement.
Victoire symbolique
Elle s’était ensuite confiée à la presse avec d’autres collègues en avril et avait permis de faire connaître l’existence de cette agence de désinformation. Une longue enquête du New York Times a ensuite expliqué en détail comment l’Internet Research Agency inondait Internet de commentaires et de publications pro-Poutine, notamment dans le cadre de la bataille de l’information qui fait rage sur la question ukrainienne.Dans les faits, la journaliste n’a gagné qu’un rouble, et n’a pas obtenu la fermeture de l’agence, qu’elle réclamait. Mais sa victoire est bien plus symbolique et elle se réjouit d’avoir déjà gagné son procès malgré la corruption russe:
«Nous avons réussi à prouver en Russie que les trolls existent, ce qui était le but principal.»
L’Internet
Research Agency n’a pas répondu aux médias, tandis que le
Kremlin, interrogé par DW, a nié tous liens avec l’organisation.
Une visite de «l'usine à trolls» du Kremlin :
« IMPERATIVEMENT utiliser les mots-clés dans le titre du post»
«Utiliser les infographies ou vidéos trouvées sur YouTube sur la thématique du post»
«Un post doit contenir au moins 700 signes pour l'équipe de jour et pas moins de 1.000 pour celle de nuit...»
Le journaliste russe de Moï Region Andreï Sochnikov a pu s'entretenir avec un employé de l'Internet Research Agency, à Saint-Pétersbourg. Plus de 400 personnes y sont payées à poster des points de vue pro-Kremlin sur les réseaux sociaux, comme le racontait Libération en 2014. Il a pu réaliser une vidéo en caméra cachée dans les bureaux de l'agence.
Global
Voices Online explique que Sochnikov a
obtenu des documents permettant de mieux comprendre le fonctionnement
des contributeurs comme les directives ci-dessus, une liste
partielle de faux comptes LiveJournal utilisés par l'agence russe
ainsi que des éléments de langage fournis aux employés concernant
l'assassinat
de Boris Nemtsov:
«Note technique du 28 février: Idée principale: émettre l’opinion que des agents ukrainiens pourraient être impliqués dans la mort de l'opposant russe.»
Dans les
documents récupérés par le journaliste, on trouve le compte
de «Natalia Drozdova», une employée de l'agence qui se nomme
en réalité Tatiana Kazakbaïeva et utilise LiveJournal, Twitter,
Facebook, Google+ et VKontakte (le Facebook Russe). Les posts
de «Natalia» n'ont
rien de particulier la plupart du temps: elle parle du retrait du
smiley «se sentir gros» (dont nous vous parlions ici) ou
partage des parodies de Cinquante
nuances de Grey.
Mais «Natalia Drozdova»
donne aussi son avis sur la politique iranienne ou sur l'assassinat
de Boris Nemtsov. Conformément aux directives de l'agence, elle a
publié un article sur LiveJournal qui débute de cette façon:
«Depuis ce
matin, je suis assise et je lis les circonstances de la mort de
Nemtsov. Plus je lis et plus j'en suis convaincue: il a simplement
été sacrifié par les siens.»
Global
Voices Online précise que, dans un commentaire publié sous
l'article de Moï Region, l'expert de l'Internet russe Anton
Nossik explique que ces commentateurs pro-Kremlin rémunérés sont
facilement repérables et ont donc peu d'impact sur l'opinion
publique.
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