"Le journalisme factuel reste la seule arme véritable, efficace, contre la propagande russe"
En marge du sommet du Partenariat oriental de Riga (19-22 mai 2015), l’analyste Tatiana Repkova, fondatrice du Media Managers Club, déclare : "Même s’il existe plusieurs types de vérité, en journalisme, la vérité devrait être logique et se limiter à la précision des faits". La vérité peut être de plusieurs types : philosophique/absolue (la vérité des chrétiens, des musulmans) par exemple. Certains journalistes parlent même d’une vérité morale et d’une vérité légale. Puis, il y a aussi la question entre objectif et subjectif, comme vérité. Par contre, selon le Pew Research Center, dans les principes du journalisme, il est clairement dit que "le journaliste ne doit pas poursuivre la vérité dans son sens absolu ou philosophique, mais il peut – et il doit – la poursuivre dans son sens pratique.IBG : Selon vous, le plus grand défi pour la presse des pays qui font partie du Partenariat oriental – Moldavie, Ukraine, Bielorussie, Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan - reste la vérité?
Tatiana Repkova : Non pas seulement pour la presse, et non pas seulement dans ces pays-là. La vérité est la plus importante des valeurs. Quand je parle aux journalistes des pays émergents de l’importance de bien exposer les faits, ils répliquent souvent: “Les lecteurs ne sont pas intéressés par les faits ennuyeux, ils préfèrent lire notre opinion.” Ces journalistes sont tout simplement confus, ils ne distinguent pas les faits et les chiffres "ennuyeux". Par exemple, si le train arrive ou pas dans une station peut être un fait. Un fait dans ce cas reste un fait, du point du vue du journaliste ou venant de quelqu’un d’autre. En échange, une pure manifestation de propagande, n’hésiterait pas à contester l’existence-même de ce train. Les facteurs qui agissent sur la performance de la presse des pays du Partenariat oriental sont au nombre de cinq : l’expertise et les moyens dont dispose la presse, ainsi que sa direction ; la démocratisation et les attentes de la société ; la révolution numérique et les changements que provoquent les réseaux sociaux ; la guerre de l’information, la propagande ; la guerre qui a lieu dans le Donbass. Ces facteurs font la recherche de la vérité très difficile. En conséquence, en journalisme je préfère qu’on n’utilise pas le mot "vérité" dans toutes les occasions. De nos jours, l’utilisation de "la vérité" à travers les nations et les cultures mène à la Tour de Babel. Le problème vient aussi des lecteurs, qui ne souhaitent pas toujours entendre une voix indépendante.
Même et surtout en ce qui concerne la relation avec la Russie… ?
Tout ce que vient de la Russie n’est pas obligatoirement faux, d’où la nécessité de vérifier fait par fait. Par ailleurs, la propagande russe est tellement rusée, justement, qu’en général, environs 90 % des faits présentés sont en réalité vrais, et seulement 10 % sont des mensonges. C’est pourquoi la propagande reste si difficile à contrer.
Y a-t-il des méthodes, des recettes pour y parvenir ?
Pour de nombreux journalistes d’Europe de l’Est, le journalisme est une activité créative. Toutefois, les pays d’Europe de l’Est ne sont pas les seuls parmi les démocraties émergentes à voir les choses sous cet angle. Les journalistes eux-mêmes, en général, considèrent que leur métier relève plus de l’art que de l’artisanat. Et en effet, le journalisme englobe les deux aspects. Pour prétendre à l’art, il faut maîtriser les techniques. Quelle que soit l’étendue de son talent, un peintre ne saurait créer un chef d’œuvre avant de maîtriser les techniques de base de la peinture. Il est très important que le journaliste observe, décrive, soit capable de constituer d’abord un projet, un échafaudage. Si on ne sait pas commencer par cela, on n’aura jamais le pouvoir de créer une œuvre d’art. Quand on fait seulement de l’art, sans un squelette, ce n’est plus du journalisme, mais de la désinformation, ce qui mène à la propagande, parfois de manière involontaire. Le journalisme factuel reste la seule arme véritable, efficace, contre la propagande russe. Personnellement, je n’ai rien contre la propagande russe, si la population de ce pays aime ce type de discours. Mais quand cette propagande est dirigée contre les valeurs européennes, les valeurs dans lesquelles je crois, cela me dérange, oui.
Interview réalisée par Iulia Badea-Guéritée, Riga (paru en version roumaine dans la revue Foreign Policy Roumanie)
A l'est (blog courrier international)
Pour nous changer du net envahi par la propagande poutinienne, on pourra voir, ce soir, un documentaire sur Arte : "La propagande selon poutine" .
Ce sera l'occasion d'avoir une version un peu différente des médias habituels, dont beaucoup sont infiltré par les agents du Kremlin... Voilà. La télé, ça peut parfois être utile, si l'on a envie de voir autre chose que les âneries de TF1 ou de M6, ou que celles du net - comme TéléPoubelleFN (et tous ceux, forts nombreux, qui travaillent pour elle : TV"liberté", Spoutnik, RT et autres poutinolâtres)
Synopsis
Ces dernières années, Vladimir Poutine, président de la Russie, a
renforcé son contrôle sur les médias et ainsi mis la main sur
d'efficaces outils de propagande destinés à rallier le peuple à sa
cause. Sur la chaîne de télévision publique Rossia 1, un talk-show
délivre, chaque dimanche soir, une information manichéenne à la gloire
de Poutine et de sa politique. Quant aux conditions de travail des rares
organes de presse d'opposition, elles sont de plus en plus mauvaises...
Critique de la Rédaction
Cette enquête édifiante au cœur des médias russes nous en apprend
beaucoup sur les rouages bien huilés de la mécanique Poutine. Outre de
très intéressants témoignages de journalistes, elle nous livre quelques
extraits d'émissions qui permettent de se faire une idée précise des
méthodes employées par le quatrième président de la Russie.
Depuis l'annexion de la Crimée, le conflit en Ukraine et les
sanctions de l'Union européenne, le ton s'est durci dans les médias
russes.
Une rhétorique guerrière et nationaliste est à l'oeuvre, visant à la fois les États-Unis, l'UE et le gouvernement ukrainien.
Émission après émission, des journalistes à la solde du Kremlin cimentent l'adhésion du peuple russe à la politique de Poutine.
Le propagandiste en chef se nomme Dmitri Kisselev. Tous les dimanches soir, sur la chaîne d'État Rossia 1, il anime une émission dite d'actualité où se succèdent interviews racoleuses, reportages simplistes et séquences dédiées au culte de la personnalité de Poutine.
Une rhétorique guerrière et nationaliste est à l'oeuvre, visant à la fois les États-Unis, l'UE et le gouvernement ukrainien.
Émission après émission, des journalistes à la solde du Kremlin cimentent l'adhésion du peuple russe à la politique de Poutine.
Le propagandiste en chef se nomme Dmitri Kisselev. Tous les dimanches soir, sur la chaîne d'État Rossia 1, il anime une émission dite d'actualité où se succèdent interviews racoleuses, reportages simplistes et séquences dédiées au culte de la personnalité de Poutine.
http://www.arte.tv/guide/fr/direct
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