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vendredi 15 juin 2018

En Russie, des milliers de chiens et de chats exterminés


Des chiens errants dans la ville de Krasnoïarsk, en Sibérie, le 11 décembre 2010. REUTERS/Ilya Naymushin
Pourquoi ? pour accueillir la Coupe du monde 2018

En préparation de la Coupe du monde de football 2018, les municipalités de 11 villes russes ont entrepris l’éradication totale des chiens errants. Les défenseurs des animaux dénoncent ces méthodes barbares.

Zorka, une petite chienne tachetée, avait mis bas sous un abribus à Volgograd. Des habitants vigilants avaient prévenu la fourrière, mais les bénévoles de la Fondation pour la défense des animaux ont sauvé Zorka, qui vit maintenant au refuge Dino tandis que ses petits ont été adoptés.
Le refuge est plein : il abrite actuellement 179 chiens et ne peut en accueillir davantage. “Ici, c’est une ville industrielle, des chiens errants élisent domicile dans les usines, sur les chantiers”, raconte Nadejda Sergueeva, bénévole. “Ce sont de bons chiens, nous les nourrissons, nous avons un planning des gardes, nous les visitons tous les matins. Nous les stérilisons à nos frais, nous leur mettons des colliers, des médaillons gravés qui disent ‘Je suis stérilisé et vacciné’, avec un numéro de téléphone.”
Mais ça, c’était avant. De tous les chiens dont s’occupaient Nadia et ses amis sur les chantiers, un seul est encore en vie.
Et cela uniquement parce qu’il était attaché. En décembre, ils étaient sept ou huit ; ils ont tous été capturés, malgré le fait qu’ils avaient des colliers. Les vigiles nous ont raconté qu’ils ont entendu des glapissements, et quand ils sont sortis les chiens étaient déjà chargés dans la camionnette.”
En juin prochain, Volgograd accueillera quatre matchs de la phase de groupes de la Coupe du monde de football. On se prépare déjà pour l’arrivée des sportifs et des supporters. En 2017, 12 millions de roubles [170 000 euros] ont été alloués au problème des animaux errants. Le marché a été remporté par une fourrière dirigée par Konstantin Epifanov. Qui n’a pas voulu entendre qu’il fallait laisser tranquilles les chiens pris en charge par les bénévoles du refuge Dino. “Ils ont capturé nos chiens, et le jour même on a su qu’ils avaient été tués”, s’insurge Nadia Sergueeva.

Sarbacanes empoisonnées

Le championnat se déroulera dans 11 villes de Russie, et partout il a été décidé d’éradiquer préventivement tous les animaux errants : pas seulement les chiens mais aussi les chats. Le programme a été lancé alors que Vitali Moutko, premier protagoniste du scandale du dopage, était ministre des Sports. Début 2018, la Commission parlementaire pour l’écologie et la protection de la nature a demandé au nouveau ministre, Pavel Kolobkov, d’épargner les pauvres bêtes. “L’abattage de chaque chien coûte entre 6 et 9 mille roubles [entre 85 et 130 euros]. Avec cet argent, on pourrait aisément financer la capture, la vaccination, la stérilisation et le maintien de ces animaux dans des refuges”, a déclaré Vladimir Bourmatov, président de cette commission.
C’est une question de réputation pour notre pays. Nous ne sommes pas des barbares pour abattre en masse des animaux dans la rue, jeter leurs cadavres ensanglantés dans des camionnettes et les trimballer à travers la ville.”
Mais Bourmatov arrive trop tard. Les abattages de masse sont déjà en cours, suivant d’ailleurs le même schéma qu’en 2014, quand la Russie se préparait pour les Jeux olympiques. Lorsqu’on avait entrepris d’éradiquer les animaux à Sotchi, un scandale international avait éclaté. Les chasseurs de la société Basya abattaient les chiens à l’aide de sarbacanes dont les flèches étaient empoisonnées à la ditiline. Les chiens mouraient de suffocation dans d’atroces souffrances, encore conscients, tandis que les tueurs recevaient 500 roubles par cadavre. Aujourd’hui, à en croire les chiffres donnés par Bourmatov, les prix ont flambé.

Éviter des plaintes de la part de personnes mordues

“En 2018, 11 villes de Russie vont être noyées dans le sang des animaux errants. Pourquoi les éradiquer TOUS ? Simplement parce que les autorités locales et les services techniques des villes […] sont persuadés que ces animaux vont indisposer les sportifs et les supporters, que ces animaux sapent ‘l’attractivité touristique’ des villes. Ils rêvent d’un monde en plastique sans feuilles mortes, sans herbes folles sur les pelouses, un monde sans animaux ni oiseaux. Pour eux, les animaux ne méritent pas de vivre !” peut-on lire sur la page de la communauté Bloody Fifa 2018. À la question de savoir pourquoi tant de cruauté, ils répondent :
Pour que les chiens ne mordent pas un supporter qui pourrait porter plainte contre la Fifa et demander une compensation.”
Or ce n’est pas tellement que la Fifa redouterait de recevoir des amendes ou des plaintes de la part de personnes mordues. Ce risque imaginaire encouru par les supporters est un prétexte idéal pour détourner des fonds publics. La présidente de la Fondation pour la défense des animaux, Ekaterina Dmitrieva, a inspecté le site Internet des marchés publics et déterminé que les régions qui accueilleront des matchs du championnat ou les camps de base auront dépensé plus de 100 millions de roubles [1,4 millions d’euros] pour l’éradication des chiens et des chats.
“Par exemple, à Ekaterinbourg, la somme allouée s’élève à 32 millions de roubles [460 000 euros]. Ce sont des sommes faramineuses. […] Avec cet argent, on pourrait financer la stérilisation des chiens, leur vaccination et leur hébergement, mais ils préfèrent tuer”, regrette Ekaterina Dmitrieva.
Andreï Timeskof, journaliste et président de la Fondation pour le développement de l’animalisme Dobry Mir, en est convaincu : la municipalité de Saint-Pétersbourg a confié l’abattage des animaux à ceux que l’on appelle des “chasseurs de chiens”, qui les tuent par plaisir. Timeskof a subi des menaces à plusieurs reprises, et le 5 janvier un groupe de chasseurs de chiens a fait exploser sa boîte aux lettres.
“Il n’aurait pas fallu plus de cinq ou six ans pour régler le problème des animaux errants dans tout le pays, mais cela ne sert pas leurs intérêts. Il leur faut de nouveaux chiots pour continuer les tueries, pour lesquelles ils reçoivent de l’argent public”, assure Ekaterina Dmitrieva. De plus, les chiens domestiques en sont également victimes, attrapés pour faire du chiffre et toucher les primes.

La Fifa est informée mais ne peut pas aider

Le 11 janvier, le gouvernement russe a demandé aux régions hôtes du championnat d’assurer des refuges temporaires pour les animaux errants. La réponse du ministre des Sports à la demande de la Commission parlementaire parle de la nécessité d’“éviter toute mesure qui pourrait avoir un écho négatif dans les médias et être apparentée à de la cruauté envers les animaux”. Mais impossible de cacher la vérité, même au Mexique on parle de l’extermination des chiens en Russie. Les Italiens amoureux des animaux proposent sur leur page Facebook de signer la pétition contre la cruauté du ministère des Sports russe. Ekaterina Dmitrieva ne croit pas que ces tueries vont cesser.
Les marchés ont été conclus, les budgets ont été alloués. Il n’existe pas de procédure d’annulation d’un marché public.”
Les associations de défense des animaux ont prévenu la Fifa de l’extermination des chiens en Russie. La réponse s’est fait attendre, le message poli se résume en deux phrases : “Nous avons reçu beaucoup de lettres, mais nous avons tant de choses à faire que nous en prenons note sans pour autant pouvoir vous aider. Il faut nous comprendre, désolé.”
“Nous demandons que le championnat du monde soit déplacé dans un pays où les animaux ont des droits, ou au moins le droit de vivre”, écrivent dans leur pétition les membres de la communauté Bloody Fifa 2018. Des formulations plus radicales encore recueillent elles aussi des signatures :
Le 1er septembre 2017, des assassinats sanglants de chiens et de chats errants ont débuté dans toute la Russie en préparation du Mondial de football 2018. Les municipalités exterminent les animaux avec des méthodes barbares, les fusillent, les empoisonnent et abandonnent dans des décharges des animaux blessés mais encore en vie. En Russie, la justice est inopérante et il n’existe pas de lois efficaces pour la défense des animaux et pour un traitement responsable à leur égard. […] C’est le traitement que les nazis avaient réservé aux humains durant la Seconde Guerre mondiale. Nous appelons à boycotter la Coupe du monde de football dans l’État barbare de Russie.”
Pendant ce temps, la fourrière de Volgograd, qui a remporté le marché de 12 millions de roubles, recrute un chasseur d’animaux errants. Salaire mensuel de 18 000 à 25 000 roubles [260 à 360 euros].
“Cette boucherie touche tout le pays, elle se joue à tous les niveaux. La société est divisée entre les nôtres et les autres, avec les animaux en ligne de faille”, conclut Ekaterina Dmitrieva.

Dmitri Voltchek Courrier international







Pas bien grave. D'ailleurs, nos médias n'ont d'yeux que pour le foot. Ce qu'il y a derrière la vitrine, on n'en parle pas. Faut que le public soit là et que l'argent rentre.
Et puis... une photo de Poutine donnant le biberon à un chiot, et tout ça sera vite oublié !





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