Dans l’un de ses articles, Ilia
Milstein, éditorialiste, compare le héros nationaliste ukrainien
Stepan Bandera à Hitler, et ses partisans aux nazis, véhiculant
ainsi – certainement contre son gré – la propagande russe.
Si les organisations fondées et dirigées par Bandera ont commis des crimes irréparables, il est néanmoins nécessaire de rappeler que la figure totalitaire est aujourd’hui incarnée par Vladimir Poutine.
Si les organisations fondées et dirigées par Bandera ont commis des crimes irréparables, il est néanmoins nécessaire de rappeler que la figure totalitaire est aujourd’hui incarnée par Vladimir Poutine.
En ce qui concerne les partis et mouvements
ukrainiens d’aujourd’hui, on peut considérer comme nationalistes
le parti Svoboda d’Oleg Tiagnibok et certaines fractions du Pravyï
Sektor de Dmitri Iaroch. C’est à dessein que la propagande russe
ment sur l’appartenance politique d’Andreï Paroubiï, le
commandant de l’Euromaïdan, dont elle fait un membre du parti
Svoboda, alors qu’en fait il est membre du parti Batkivchtchina. Or
des partis comme Batkivchtchina et Oudar ne peuvent aucunement être
considérés comme nationalistes. Ce sont des groupements aux
programmes politiques tout à fait amorphes qui se sont constitués
pour appuyer tel ou tel leader.
Selon Ilia Milstein, « nulle part (sauf en
Pologne) la machine nazie d’extermination n’a fonctionné aussi
efficacement qu’en Ukraine, ce à quoi contribua de façon
significative l’enthousiasme, qui avait des racines historiques
profondes, de la population locale ». En réalité, la machine
nazie d’extermination des juifs et autres « éléments
indésirables » fonctionna sur tous les territoires d’Europe
orientale de façon également efficace et avec la participation de
la population locale. Sur le territoire soviétique occupé, les
juifs étaient exterminés par les Einsatzgruppen, dont les
Allemands ne constituaient qu’un tiers des effectifs. Les deux
autres tiers étaient essentiellement formés d’anciens prisonniers
soviétiques. Comme parmi eux les Russes prédominaient, il ne
convient pas de minorer le rôle du « peuple porteur de Dieu »
dans l’Holocauste.
En ce qui concerne l’OUN et l’UPA, elles
organisèrent effectivement un génocide pendant la seconde guerre
mondiale ; cependant, celui-ci n’a pas visé les juifs mais la
population polonaise de Volhynie et de Galicie, provinces où, en
1943-1944, entre 30.000 et 60.000 paisibles habitants de nationalité
polonaise furent massacrés dans le cadre d’opérations de
« purification ethnique ». Quant aux juifs, ils étaient
surtout persécutés en tant « qu’agents bolchéviques » ;
les juifs qui furent systématiquement éliminés, c’étaient ceux
qui étaient arrivés en Ukraine occidentale dans les fourgons de
l’Armée soviétique pour exercer des fonctions administratives.
Bien entendu, des hommes de l’UPA assassinèrent des juifs
appartenant à la population locale, mais ces excès ne furent pas
plus nombreux que les assassinats de juifs par des partisans polonais
ou soviétiques. L’un des chefs de la résistance soviétique, le
Héros de l’Union soviétique Kirill Orlovskiï, dit dans ses
souvenirs qu’en Biélorussie il mit sur pied un détachement
(le détachement Kirov) uniquement composé de juifs qui avaient
échappé aux pelotons hitlériens. « Je savais que j’allais
aux devants de difficultés inimaginables, mais je n’en avais pas
peur et je m’y résolus ne serait-ce que parce que, autour de nous,
aucun des détachements et grandes unités de partisans des régions
de Pinsk et Baranovitchi ne voulaient de ces gens. Il est arrivé
qu’on les tue. Par exemple, les « partisans »
antisémites du détachement de Tsyngankov tuèrent 11 juifs, les
paysans du village de Radjalovitch (région de Pinsk) 17, les
« partisans » du détachement Chtchors sept ».
Comme on le sait, il y avait dans les rangs de l’UPA
des juifs, qui ne cachaient pas leur appartenance nationale. Le plus
connu est Hirsch (Mikhaïl) Keller qui, plus tard (1954), allait
devenir un des chefs de l’insurrection du camp soviétique de
Kenguir. Les détenus ukrainiens, anciens de l’UPA et leurs
« complices », choisirent précisément Keller pour les
représenter au sein de l’état-major de l’insurrection. Preuve
supplémentaire que l’antisémitisme n’était pas au programme de
l’UPA, et je pense que, pour quelqu’un comme Keller comme pour
d’autres partisans juifs, le slogan de l’OUN « Vive
l’Ukraine, gloire aux héros » n’était pas un vain mot.
Ilia Milstein parle de « choix douloureux
entre Poutine et Bandera, entre Poutine et Hitler ». Mais ce
n’est pas de ce choix qu’il s’agit. Parce que c’est Poutine
qui est aujourd’hui Hitler, et il l’a prouvé de manière
convaincante en lançant une agression contre l’Ukraine et en
annexant la Crimée. Les démocrates de Russie et du monde entier
doivent exiger le retrait des troupes et de l’administration russes
de Crimée et le retour de cette région à la souveraineté
ukrainienne. Mais il y a peu à espérer actuellement des forces
démocratiques de la Russie, à l’heure du retour à la propagande
totalitaire et à l’unanimité d’Etat. Seules des sanctions
imposées par les Etats occidentaux peuvent apporter un changement.
Elles ne doivent cependant pas être des gestes symboliques, mais
toucher réellement les secteurs les plus sensibles des finances et
de l’économie. C’est le seul moyen d’arrêter le nouvel Hitler
et d’empêcher que les relations internationales ne continuent de
se déstabiliser.
(Traduit du russe par Bernard Marchadier)
Stepan Bandera
Dans l'article ci-dessus, la comparaison Poutine = Hitler est selon moi assez poussive, ; néanmoins, il est vrai qu'il existe quelques ressemblances dans certaines façons de faire... Je ne résiste pas à publier et article :
Kasparov: Poutine «n'est pas Hitler. Mais nous devons le stopper quand même»
«Ce n’est pas Hitler. Mais nous devons le stopper quand
même.» Sur Politico, Garry Kasparov, champion du monde d’échecs
et fervent opposant à Vladimir Poutine, alerte une nouvelle fois les
puissances occidentales sur la menace que représente le président
russe.
Depuis plusieurs mois déjà, l’opposant au Kremlin dresse des
analogies entre Vladimir Poutine et Adolf Hitler.
Dans une interview donnée en février à The Guardian, il
justifiait cette comparaison:
«Ceux qui pensent que c’est une exagération oublie un facteur important. Hitler en 1936 était vu comme un politicien tout à fait respectable et légitime»
Dans ce nouvel article publié sur Politico, il maintient
toutefois que Poutine n’est pas Hitler. Mais la frontière est
mince:
«Si Poutine voulait faire une meilleure imitation d’Adolf Hitler dans les années 1936-1938, il n’aurait qu’à se laisser pousser une petite moustache.»
Pour Kasparov, la crise qui a débuté en Ukraine et qui concerne
aujourd’hui particulièrement la Crimée, ressemble étrangement à
l’Anschluss (annexion de l'Autriche*
par l’Allemagne en 1938). L’objectif de son analogie, dit-il, est
de «tirer les leçons de l’histoire». Car,
malheureusement, la comparaison s’applique également à la
tendance des pays occidentaux à laisser faire:
«De la même manière, les leaders de l’Europe et des Etats-Unis ont su imiter les dirigeants lâches et réticents aux risques qui permirent l’ascension d’Hitler dans les années 1930.»
Kasparov se dit surpris de la façon dont les actuels dirigeants
ont légitimé Poutine et l’ont aidé à prendre du pouvoir:
«Bien que j’avais justement remarqué le principal avantage de Poutine par rapport à ses prédécesseurs soviétiques –un accès libre aux marchés internationaux et aux institutions– je n’aurais jamais imaginé qu’il en abuserait et les exploiterait si facilement, ou que les dirigeants des pays occidentaux seraient si coopératifs en l’autorisant à le faire.»
Cette analogie est reprise par certains médias, souligne le
joueur d’échecs. Le quotidien polonais Gazeta Wyborcza, traduit
par Courrier International, détaille:
«Là-bas aussi, il y a eu un changement du pouvoir sous l'œil vigilant des soldats de Hitler, et un référendum (99,08% de oui en Allemagne et 99,75% en Autriche) pour relier les deux pays. Après l'Anschluss, il y a eu le rattachement des Sudètes par le Troisième Reich, puis de la ville de Klaipeda (dans l'ouest de la Lituanie).»
L’Express évoquait début mars la «prolifération des points
Godwin» concernant cette crise en Ukraine. Autrement dit, la
tendance qu’ont des analystes à «faire des références à
Adolf Hitler et au IIIe Reich, dans le
but de décrédibiliser son adversaire». L’Express
mentionnait d’ailleurs Garry Kasparov, mais aussi Hillary Clinton,
ex-secrétaire d’Etat des Etats-Unis, et l’ancien ministre des
Affaires étrangères tchèque Karel Schwarzenberg.
Justifié ou non, cette analogie? Joshua Keating, sur Slate.com,
ne la trouve «pas si ridicule», tout en nuançant:
«Le vrai problème n’est pas la comparaison en elle-même, mais c’est la leçon qu’on en tire généralement.»
Il reste donc prudent:
«Bien que les analogies historiques peuvent être utiles aux dirigeants en situation de crise, elles peuvent également induire en erreur. Toutes les négociations ne vont pas finir comme Munich. Toutes les interventions militaires ne se termineront pas comme la guerre du Vietnam.»
Le tout est donc de garder en mémoire l’histoire, tout en
restant conscient, comme l’est Garry Kasparov, que Poutine n’est
pas Hitler.
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