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dimanche 20 avril 2014

Bandera, Hitler et Poutine

Dans l’un de ses articles, Ilia Milstein, éditorialiste, compare le héros nationaliste ukrainien Stepan Bandera à Hitler, et ses partisans aux nazis, véhiculant ainsi – certainement contre son gré – la propagande russe.
Si les organisations fondées et dirigées par Bandera ont commis des crimes irréparables, il est néanmoins nécessaire de rappeler que la figure totalitaire est aujourd’hui incarnée par Vladimir Poutine.
Dans son article « Miser sur Bandera », mon distingué collègue Ilia Milstein ne me semble pas entièrement libre des stéréotypes de la propagande soviétique, tels que les reprend avec le succès que l’on sait l’actuelle propagande du Kremlin. On ne peut assimiler les partisans de Bandera aux nazis. Stepan Bandera, l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) et l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) n’étaient pas des nazis mais des nationalistes, au même titre que l’Armée républicaine irlandaise (IRA), l’ETA basque, le Parti national écossais, et bien d’autres. Les chefs de l’organisation égyptienne dirigée par Gamal Abdel Nasser puis par Anouar al-Sadat (le « Mouvement des officiers libres ») pour lutter contre l’occupation britannique pendant la seconde guerre mondiale étaient des nationalistes et, comme Bandera, ils collaborèrent avec les puissances de l’Axe. Tout comme les nationalistes irlandais et basques, les partisans de Bandera eurent recours à des méthodes terroristes. L’attentat qui eut le plus grand retentissement fut l’assassinat du ministre polonais de l’intérieur Bronislaw Peracki. Bandera, qui avait monté le coup, fut condamné à la réclusion à perpétuité.
En ce qui concerne les partis et mouvements ukrainiens d’aujourd’hui, on peut considérer comme nationalistes le parti Svoboda d’Oleg Tiagnibok et certaines fractions du Pravyï Sektor de Dmitri Iaroch. C’est à dessein que la propagande russe ment sur l’appartenance politique d’Andreï Paroubiï, le commandant de l’Euromaïdan, dont elle fait un membre du parti Svoboda, alors qu’en fait il est membre du parti Batkivchtchina. Or des partis comme Batkivchtchina et Oudar ne peuvent aucunement être considérés comme nationalistes. Ce sont des groupements aux programmes politiques tout à fait amorphes qui se sont constitués pour appuyer tel ou tel leader.
Selon Ilia Milstein, « nulle part (sauf en Pologne) la machine nazie d’extermination n’a fonctionné aussi efficacement qu’en Ukraine, ce à quoi contribua de façon significative l’enthousiasme, qui avait des racines historiques profondes, de la population locale ».  En réalité, la machine nazie d’extermination des juifs et autres « éléments indésirables » fonctionna sur tous les territoires d’Europe orientale de façon également efficace et avec la participation de la population locale. Sur le territoire soviétique occupé, les juifs étaient exterminés par les Einsatzgruppen, dont les Allemands ne constituaient qu’un tiers des effectifs. Les deux autres tiers étaient essentiellement formés d’anciens prisonniers soviétiques. Comme parmi eux les Russes prédominaient, il ne convient pas de minorer le rôle du « peuple porteur de Dieu » dans l’Holocauste.
En ce qui concerne l’OUN et l’UPA, elles organisèrent effectivement un génocide pendant la seconde guerre mondiale ; cependant, celui-ci n’a pas visé les juifs mais la population polonaise de Volhynie et de Galicie, provinces où, en 1943-1944, entre 30.000 et 60.000 paisibles habitants de nationalité polonaise furent massacrés dans le cadre d’opérations de « purification ethnique ». Quant aux juifs, ils étaient surtout persécutés en tant « qu’agents bolchéviques » ; les juifs qui furent systématiquement éliminés, c’étaient ceux qui étaient arrivés en Ukraine occidentale dans les fourgons de l’Armée soviétique pour exercer des fonctions administratives. Bien entendu, des hommes de l’UPA assassinèrent des juifs appartenant à la population locale, mais ces excès ne furent pas plus nombreux que les assassinats de juifs par des partisans polonais ou soviétiques. L’un des chefs de la résistance soviétique, le Héros de l’Union soviétique Kirill Orlovskiï, dit dans ses souvenirs qu’en Biélorussie il mit sur pied un détachement (le détachement Kirov) uniquement composé de juifs qui avaient échappé aux pelotons hitlériens. « Je savais que j’allais aux devants de difficultés inimaginables, mais je n’en avais pas peur et je m’y résolus ne serait-ce que parce que, autour de nous, aucun des détachements et grandes unités de partisans des régions de Pinsk et Baranovitchi ne voulaient de ces gens. Il est arrivé qu’on les tue. Par exemple, les « partisans » antisémites du détachement de Tsyngankov tuèrent 11 juifs, les paysans du village de Radjalovitch (région de Pinsk) 17, les « partisans » du détachement Chtchors sept ».
Comme on le sait, il y avait dans les rangs de l’UPA des juifs, qui ne cachaient pas leur appartenance nationale. Le plus connu est Hirsch (Mikhaïl) Keller qui, plus tard (1954), allait devenir un des chefs de l’insurrection du camp soviétique de Kenguir. Les détenus ukrainiens, anciens de l’UPA et leurs « complices », choisirent précisément Keller pour les représenter au sein de l’état-major de l’insurrection. Preuve supplémentaire que l’antisémitisme n’était pas au programme de l’UPA, et je pense que, pour quelqu’un comme Keller comme pour d’autres partisans juifs, le slogan de l’OUN « Vive l’Ukraine, gloire aux héros » n’était pas un vain mot.
Ilia Milstein parle de « choix douloureux entre Poutine et Bandera, entre Poutine et Hitler ». Mais ce n’est pas de ce choix qu’il s’agit. Parce que c’est Poutine qui est aujourd’hui Hitler, et il l’a prouvé de manière convaincante en lançant une agression contre l’Ukraine et en annexant la Crimée. Les démocrates de Russie et du monde entier doivent exiger le retrait des troupes et de l’administration russes de Crimée et le retour de cette région à la souveraineté ukrainienne. Mais il y a peu à espérer actuellement des forces démocratiques de la Russie, à l’heure du retour à la propagande totalitaire et à l’unanimité d’Etat. Seules des sanctions imposées par les Etats occidentaux peuvent apporter un changement. Elles ne doivent cependant pas être des gestes symboliques, mais toucher réellement les secteurs les plus sensibles des finances et de l’économie. C’est le seul moyen d’arrêter le nouvel Hitler et d’empêcher que les relations internationales ne continuent de se déstabiliser.

(Traduit du russe par Bernard Marchadier)



 Stepan Bandera



Dans l'article ci-dessus, la comparaison Poutine = Hitler est selon moi assez poussive, ; néanmoins, il est vrai qu'il existe quelques ressemblances dans certaines façons de faire...  Je ne résiste pas à publier et article : 

Kasparov: Poutine «n'est pas Hitler. Mais nous devons le stopper quand même»

«Ce n’est pas Hitler. Mais nous devons le stopper quand même.» Sur Politico, Garry Kasparov, champion du monde d’échecs et fervent opposant à Vladimir Poutine, alerte une nouvelle fois les puissances occidentales sur la menace que représente le président russe.
Depuis plusieurs mois déjà, l’opposant au Kremlin dresse des analogies entre Vladimir Poutine et Adolf Hitler.
Dans une interview donnée en février à The Guardian, il justifiait cette comparaison:
«Ceux qui pensent que c’est une exagération oublie un facteur important. Hitler en 1936 était vu comme un politicien tout à fait respectable et légitime»
Dans ce nouvel article publié sur Politico, il maintient toutefois que Poutine n’est pas Hitler. Mais la frontière est mince:
«Si Poutine voulait faire une meilleure imitation d’Adolf Hitler dans les années 1936-1938, il n’aurait qu’à se laisser pousser une petite moustache.»
Pour Kasparov, la crise qui a débuté en Ukraine et qui concerne aujourd’hui particulièrement la Crimée, ressemble étrangement à l’Anschluss (annexion de l'Autriche* par l’Allemagne en 1938). L’objectif de son analogie, dit-il, est de «tirer les leçons de l’histoire». Car, malheureusement, la comparaison s’applique également à la tendance des pays occidentaux à laisser faire:
«De la même manière, les leaders de l’Europe et des Etats-Unis ont su imiter les dirigeants lâches et réticents aux risques qui permirent l’ascension d’Hitler dans les années 1930.»
Kasparov se dit surpris de la façon dont les actuels dirigeants ont légitimé Poutine et l’ont aidé à prendre du pouvoir:
«Bien que j’avais justement remarqué le principal avantage de Poutine par rapport à ses prédécesseurs soviétiques –un accès libre aux marchés internationaux et aux institutions– je n’aurais jamais imaginé qu’il en abuserait et les exploiterait si facilement, ou que les dirigeants des pays occidentaux seraient si coopératifs en l’autorisant à le faire.»
Cette analogie est reprise par certains médias, souligne le joueur d’échecs. Le quotidien polonais Gazeta Wyborcza, traduit par Courrier International, détaille:
«Là-bas aussi, il y a eu un changement du pouvoir sous l'œil vigilant des soldats de Hitler, et un référendum (99,08% de oui en Allemagne et 99,75% en Autriche) pour relier les deux pays. Après l'Anschluss, il y a eu le rattachement des Sudètes par le Troisième Reich, puis de la ville de Klaipeda (dans l'ouest de la Lituanie).»
L’Express évoquait début mars la «prolifération des points Godwin» concernant cette crise en Ukraine. Autrement dit, la tendance qu’ont des analystes à «faire des références à Adolf Hitler et au IIIe Reich, dans le but de décrédibiliser son adversaire». L’Express mentionnait d’ailleurs Garry Kasparov, mais aussi Hillary Clinton, ex-secrétaire d’Etat des Etats-Unis, et l’ancien ministre des Affaires étrangères tchèque Karel Schwarzenberg.
Justifié ou non, cette analogie? Joshua Keating, sur Slate.com, ne la trouve «pas si ridicule», tout en nuançant:
«Le vrai problème n’est pas la comparaison en elle-même, mais c’est la leçon qu’on en tire généralement.»
Il reste donc prudent:
«Bien que les analogies historiques peuvent être utiles aux dirigeants en situation de crise, elles peuvent également induire en erreur. Toutes les négociations ne vont pas finir comme Munich. Toutes les interventions militaires ne se termineront pas comme la guerre du Vietnam.»
Le tout est donc de garder en mémoire l’histoire, tout en restant conscient, comme l’est Garry Kasparov, que Poutine n’est pas Hitler.




 

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