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samedi 28 juin 2014

La Pologne et l'Ukraine [+ la Pologne et la langue française]

Pourquoi l’Ukraine est-elle si importante pour la Pologne ?

Si la crise qui secoue l’Ukraine depuis novembre 2013 a permis de replacer ce pays dans le champ de vision de la communauté et des media internationaux, l’attention particulière que lui porte la Pologne est bien antérieure et ne saurait s’expliquer par la seule proximité géographique. Pour les diplomates comme pour les intellectuels polonais, l’Ukraine constitue un enjeu stratégique, impactant également les relations avec la Russie.

Visites répétées de personnalités politiques en soutien aux manifestants de Maïdan puis au nouveau gouvernement à Kiev, appel à des sanctions plus fortes de la part des États-Unis et de l’UE à l’égard de la Russie, engagement accru de l’OTAN et du Triangle de Weimar avec l’Allemagne et la France : la Pologne semble en pointe dans la dossier ukrainien et s’attire pour cette raison non seulement les critiques des chaînes de télévision contrôlées par le Kremlin, mais aussi de certains journaux occidentaux qui l’accusent de russophobie.
Ces mêmes observateurs citent souvent trois arguments pour inciter l’Union européenne à la retenue vis-à-vis de Moscou. Tout d’abord, elle n’aurait pas intérêt à brusquer un grand partenaire commercial qui lui vend son gaz et son pétrole en échange de denrées alimentaires, de voitures de luxe ou encore de matériel d’armement : en temps de crise, c’est un luxe que nous ne pourrions pas nous permettre. Deuxièmement, la Russie joue un rôle clé sur d’autres théâtres considérés comme majeurs (Iran, Syrie) et faire preuve d’une trop grande fermeté sur la question ukrainienne compromettrait les chances de l’UE de remplir ses autres objectifs de politique étrangère. Enfin, on trouve parfois en filigrane l’idée que l’annexion de la Crimée, peuplée à 60% de Russes et tardivement rattachée à la République soviétique d’Ukraine en 1954, n’est pas dénuée de toute légitimité malgré le principe général d’intangibilité des frontières et les garanties offertes à Kiev dans le mémorandum de Budapest, signé par la Russie elle-même en 1994.
À contre-courant d’une opinion communément répandue selon laquelle la diplomatie ne servirait qu’à défendre des intérêts économiques, il est impossible de comprendre la fermeté de la Pologne dans le dossier ukrainien à travers ce seul spectre. Les chiffres du commerce extérieur polonais pour 2012 font ainsi apparaître que l’Ukraine arrive en 8e position parmi les pays clients (4,1 milliards d’euros d’exportations) et en 19e place sur la liste des fournisseurs (2 milliards d’euros d’importations). En comparaison, la Russie est le deuxième partenaire de la Pologne pour ses importations (21,7 milliards d’euros, dont près de trois quarts de « facture énergétique ») et le sixième plus gros acheteur de produits polonais (7,7 milliards d’euros). Ces données sont à rapporter à la valeur totale des échanges commerciaux de la Pologne qui se décomposait en 2012 de 143 milliards d’euros d’exportations et de 154 milliards d’euros d’importations.
Le champ des investissements directs à l’étranger (IDE) révèle des liens plus lâches puisque les entreprises polonaises détenaient en 2012 en Ukraine un stock de près de 0,65 milliard d’euros contre environ 0,18 milliard dans le sens inverse. À la même date, les IDE polonais en Russie représentaient approximativement 0,3 milliard d’euros pour 0,5 milliard d’euros d’investissements russes en Pologne. Ces montants sont mineurs dans la masse des 178 milliards d’euros d’investissements étrangers en Pologne et des 43 milliards d’euros d’IDE polonais à l’étranger.

Embargo sur la viande polonaise en guise de rétorsion

C’est donc davantage sur le front du commerce extérieur que la Pologne court un risque économique à s’engager fortement dans la résolution de la crise en Ukraine. La menace n’a rien d’hypothétique car au début de l’année, la Russie a décrété un embargo sur les importations de viande porcine étiquetée UE au prétexte de quelques cas de peste porcine africaine affectant des sangliers. La mesure affecte l’ensemble des 28 États membres de l’Union – dont la France, troisième producteur européen – mais frappe en proportion plus durement les éleveurs polonais et baltes. Les autorités russes avaient déjà recouru à cet instrument entre 2005 et 2007 pour monter les groupes d’intérêt du secteur agroalimentaire contre le gouvernement polonais de l’époque, hostile au Kremlin.
Dans le domaine énergétique, la vulnérabilité se définit non pas en termes de pertes de débouchés mais de ruptures d’approvisionnement avec près de 60% de la consommation de gaz naturel en Pologne couverts par des importations en provenance de Russie. La dépendance est encore plus forte dans le cas du pétrole avec une très faible production domestique et une part des livraisons russes qui s’élève à 95% du total des importations. Pour la Pologne comme pour le reste de l’Union, l’Ukraine occupe dans ces transactions une place essentielle étant donné que la moitié des exportations de gaz russe vers l’UE transite par le réseau de gazoducs ukrainiens (Bratstvo, Soyouz) et que l’oléoduc Droujba, en partie situé sur le territoire ukrainien, transporte le quart des livraisons de pétrole russe à destination de l’UE.
Kiev bénéficie ainsi d’un puissant levier dans ses rapports avec Moscou et peut jouer sur les frais de transit, voire sur les livraisons elles-mêmes, alors que la moitié des recettes de l’État russe est le produit des ventes de gaz et de pétrole. C’est pour cette raison que la Russie cherche depuis de nombreuses années à contourner l’Ukraine et à créer l’accès le plus direct possible vers ses principaux clients à l’ouest de l’Europe, en particulier l’Allemagne et l’Italie. Dès 1999, le géant russe Gazprom avait par exemple présenté aux autorités polonaises son projet de « pieremetchka », un gazoduc qui aurait relié la Biélorussie à la Slovaquie via la Pologne au détriment de l’Ukraine. Malgré l’alléchante perspective de percevoir des frais de transit, Varsovie avait alors rejeté la proposition pour ne pas affaiblir son partenaire ukrainien. Cette décision aurait poussé Gazprom à s’entendre directement avec ses clients allemands (E.ON, Wintershall), français (GDF Suez) et néerlandais (Gasunie) pour construire le Nord Stream [1], un gazoduc direct entre la Russie et l’Allemagne sous la mer Baltique.

Contourner l’Ukraine ?

Après plusieurs conflits gaziers entre la Russie et l’Ukraine en 2006 et 2009 et dans un contexte de normalisation des relations polono-russes, le président Vladimir Poutine a réanimé en avril 2013 la proposition de pieremetchka sous la forme d’une extension du gazoduc Yamal-Europe qui traverse actuellement la Russie, la Biélorussie, la Pologne puis l’Allemagne. Le Yamal-Europe 2 formerait à partir de la Pologne un bras vers la Slovaquie et la Hongrie avec une nouvelle fois l’idée d’y rediriger des volumes transitant aujourd’hui via l’Ukraine.
La sensibilité du dossier et la révélation par la presse quelques jours plus tard de l’existence d’un mémorandum entre Gazprom et EuRoPol GAZ, structure polono-russe en charge de la gestion du Yamal-Europe, ont conduit à la démission forcée du ministre du Trésor Mikołaj Budzanowski – autorité de tutelle des entreprises publiques – et de la direction du géant gazier polonais PGNiG. Une fois de plus, le refus de la Pologne de court-circuiter l’Ukraine aboutira probablement à sa propre mise à l’écart puisque selon le quotidien russe Vedomosti, Gazprom aurait décidé en février 2014 d’abandonner le projet de Yamal-Europe 2 au profit d’une augmentation des capacités du Nord Stream.
Cette détermination des autorités polonaises à ne pas sacrifier les intérêts de l’Ukraine, quitte à en payer le prix, ne peut s’expliquer que par des motivations stratégiques qui vont bien au-delà des arguments économiques. La frontière commune, tout d’abord, rend évidemment Varsovie sensible à tout risque de déstabilisation de son voisin ukrainien qui pourrait se traduire par des vagues conséquentes de refugiés difficiles à maîtriser pour un pays peu habitué aux fortes pressions migratoires.
D’autre part, l’histoire partagée des deux pays et la présence d’une minorité polonaise en Ukraine – 150 000 personnes d’après le recensement officiel mais certaines associations avancent le nombre de deux millions – confèrent à la Pologne une responsabilité particulière dans la sauvegarde du patrimoine, de la culture et des liens entre populations qui témoignent toujours de l’époque où le San n’était pas à la frontière orientale du territoire polonais mais le traversait en son milieu.

« Doctrine ULB »

Toutefois, à la différence de la Russie qui s’est servi de cet argument historique pour justifier l’annexion de la Crimée, la Pologne a définitivement abandonné l’idée de remodeler la carte de l’Europe pour « récupérer » les espaces perdus en 1945. Au révisionnisme qui animait encore une partie de l’émigration polonaise dans les années d’après-guerre répondait la « doctrine ULB » (Ukraine-Lituanie-Biélorussie), dévelopée par Jerzy Giedroyć et Juliusz Mieroszewski dans les colonnes de la revue Kultura. Ils recommandaient à leurs compatriotes de faire une fois pour toutes le deuil de la Pologne de l’entre-deux-guerres pour soutenir à la place la constitution d’États viables et indépendants en Biélorussie, en Lituanie et en Ukraine.
Cette pensée, héritage de la revue « Prométhée » fondée à Paris dans les années 1920, ne vise pas seulement à créer entre la Pologne et la Russie une zone tampon susceptible d’amortir le choc d’un éventuel conflit militaire, mais aussi d’y cultiver les valeurs de la démocratie libérale et de l’État-nation par opposition à la « démocratie souveraine » et l’impérialisme russes. Si l’Ukraine, plus grand pays du trio ULB et culturellement très lié à la Russie, parvenait à adopter avec succès le modèle « occidental », la justification de l’« exceptionnalisme » russe souvent utilisée par le Kremlin pour convaincre la population de l’impossibilité d’introduire une démocratie « à l’occidentale » perdrait beaucoup en crédibilité. La considération n’est pas du reste absente de la stratégie européenne de Partenariat oriental.
À long terme, pour reprendre les mots de Zbigniew Brzeziński, ancien conseiller à la sécurité du président américain Jimmy Carter, une Russie privée de l’Ukraine cesserait d’être un empire sur le plan à la fois géopolitique mais aussi idéologique car démocratisée, elle n’aurait plus de prétention impériale. L’étau dans lequel se débat depuis des siècles la Pologne, coincée entre deux empires, perdrait alors son deuxième mors. Cela vaut bien de risquer quelques milliards.





Pourquoi la Pologne est-elle en première ligne du soutien à l’Ukraine ?

Pour beaucoup d’observateurs, elle n’est qu’un fauteur de troubles, conformément au stéréotype tenace d’un pays viscéralement antirusse. L’engagement massif des Polonais pour Maidan intrigue. Les manifestations pro-ukrainiennes dans toutes les villes, la multiplication des actions humanitaires (plusieurs hôpitaux reçoivent les blessés de la répression de Maidan), les collectes d’argent, de médicaments : depuis cinquante-huit ans, la Pologne n’a pas connu une telle mobilisation de solidarité avec un autre peuple. La dernière fois, ce fut pour la Hongrie en 1956. La solidarité avec l’Ukraine a même réconcilié, certes provisoirement, les ennemis irréductibles de la scène politique polonaise, Jaroslaw Kaczynski, frère du président qui a péri dans la catastrophe de l’avion présidentiel à Smolensk en 2010, et le Premier ministre, Donald Tusk. Tous les parlementaires ont voté une déclaration de soutien à l’Ukraine. Cet élan de solidarité nous dit quelle Ukraine les Polonais imaginent-ils à leur frontière, et quelle Russie craignent-ils.
Dans une interview du 16 mars 1919, le maréchal Pilsudski (artisan de l’indépendance de la Pologne en 1918) a dit à ses concitoyens qu’«indépendamment de qui sera au gouvernement en Russie, celle-ci restera férocement impérialiste». Cette thèse avait force de dogme. Pourtant, à partir de 1989, la vision qu’ont les Polonais de la Russie semblait évoluer et de nombreuses tentatives de réconciliation ont eu lieu. La dernière en date fut celle de la mise à plat des contentieux du passé douloureux, menée par un imposant groupe bilatéral d’historiens entre 2007 et 2010. La création des centres de dialogue à Varsovie et à Moscou avait pour objectif de poursuivre ce travail de déminage. Et la frontière, entre l’enclave de Kaliningrad et la Pologne du nord-est, est devenue une zone de libre circulation animant l’économie et les liens entre les deux populations locales.
Pourtant, tous ces efforts pour sortir de la fatalité ont été anéantis par l’attitude de plus en plus hostile des Russes face à la volonté de la Pologne de créer un système de défense efficace. Moscou, en réplique à l’intention d’installer les batteries Patriot par les Polonais, menace d’équiper l’enclave russe de Kaliningrad de lance-missiles Iskander, capables de porter les charges nucléaires. Comme si pour les Russes, la Pologne n’était acceptable que désarmée. Depuis la crise ukrainienne, les relations entre les deux pays n’ont fait que se détériorer davantage.
Mais il faut rappeler aussi que les relations entre les Ukrainiens et les Polonais n’ont pas toujours été très bonnes. Pendant et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, des crimes de masse sont commis de deux côtés : les massacres de Volhynie et de la Galicie orientale (1943) perpétrés par les nationalistes ukrainiens sur la population rurale polonaise, ou dans l’autre sens, et en guise de revanche, l’action de purification ethnique contre les Ukrainiens, montée par la police politique communiste polonaise après 1945.Tout a changé à partir de 1989. Le bon voisinage avec l’Ukraine indépendante, voisin immédiat de la Pologne, s’inscrit depuis cette date dans les priorités de la politique étrangère polonaise. Les élites polonaises se donnent d’emblée pour cadre d’action la doctrine géopolitique construite pendant les années 1950-1989 dans les milieux de l’émigration polonaise. Il s’agissait de développer la collaboration avec les Ukrainiens, les Biélorusses, les Lituaniens et les démocrates russes, nécessaire pour transformer le rapport des forces en Europe orientale.
Par conséquent, la Pologne est le premier Etat à reconnaître en 1991 le nouvel Etat ukrainien, issu de l’implosion de l’URSS. En 2004, lorsqu’éclate à Kiev la «révolution orange», c’est le président polonais, de concert avec le Haut Représentant de l’UE, Javier Solana, qui réunit les différents protagonistes du conflit autour d’une table ronde. Un compromis débouche sur la victoire des «oranges». C’est alors que, paradoxalement, Viktor Iouchtchenko, président «orange» de l’Ukraine, ami de la Pologne, fait rentrer dans le Panthéon des héros de la nation ukrainienne Stepan Bandera, fondateur de l’armée insurrectionnelle nationaliste ukrainienne, au grand dam de Varsovie, pour qui il était surtout complice des nazis. Il n’en fallut pas moins pour semer la méfiance. Dans ce mouvement de réactivation mémorielle, l’accent positif est venu des Eglises avec l’appel conjoint de l’Eglise catholique polonaise et des Eglises uniate et orthodoxe ukrainiennes : «Nous désirons […] en appeler à tous, Ukrainiens et Polonais, à une courageuse ouverture des esprits et des cœurs en vue du pardon et de la réconciliation.»
Côté ukrainien, trois stéréotypes rendaient difficile la réconciliation. Avant Maidan, les Ukrainiens se méfiaient de chaque geste conciliateur de la Pologne. Ils y voyaient tantôt une tendance à concevoir l’Ukraine exclusivement par son Ouest et non par Kiev, Kharkov, Odessa, Dnipropetrovsk, tantôt une volonté d’instrumentaliser l’Ukraine comme un Etat tampon. Enfin, ils soupçonnaient la Pologne de s’être octroyée un rôle singulier comme représentante de l’UE face leur pays, ce qu’ils interprètent comme une mission «civilisatrice», signe d’une attitude de supériorité face à l’Ukraine. Tout ceci a été balayé par la révolution. Pour les Polonais admiratifs de l’héroïsme du mouvement pro-européen et démocratique de Maidan, c’est l’Ukraine rêvée qui est apparue, lisible, avec la promesse d’un voisinage sans arrière-pensées.



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Les Polonais et la langue française

Alors que la Pologne a longtemps été considérée comme un pays très francophone, le français n’arrive plus aujourd’hui qu’en quatrième position au classement des langues apprises par les écoliers, derrière l’anglais, l’allemand et le russe. Enquête à l’occasion du mois de la francophonie sur l’image contemporaine de la langue française chez les Polonais.
Qui dit France dit langue française. Les Polonais sont très nombreux à penser qu’elle constitue un fort élément distinctif des Français par rapport à d’autres nations. Dans le même temps, la perception de la langue est liée aux représentations du pays auquel elle est le plus souvent associée et le nombre croissant de Polonais qui voyagent, étudient et travaillent librement dans l’espace Schengen contribue à accélérer l’évolution de ces imaginaires.
La langue française a de fait une présence ancienne en Pologne en raison de sa longue histoire commune avec la France. Au XIXe siècle en particulier, alors que la nation polonaise est orpheline de son État, sa poésie, sa peinture et sa musique s’épanouissent à Paris où ont trouvé refuge les artistes de la « Grande émigration ». La France constitue alors un espace de liberté de pensée, de création et de rencontres. Destination désirée et mythique qui enchante et inspire, elle est souvent comparée à une femme qui séduit.
De façon parallèle, la langue française est synonyme de parole libre de toute oppression. Signe d’appartenance à la haute société, elle est très largement enseignée – l’éducation demeurant alors encore pour l’essentiel un privilège des bonnes familles. Compte tenu de la place occupée par les artistes polonais de cette époque dans les programmes scolaires contemporains, cette image pourtant fortement stéréotypée perdure tout en étant concurrencée par d’autres représentations.
La Deuxième Guerre mondiale marque à ce titre une rupture importante puisqu’après la capitulation de la France en 1940, beaucoup de Polonais qui y résidaient émigrent pour rejoindre les îles britanniques. Andrzej Bobkowski, écrivain et essayiste polonais de la première moitié du XXe siècle, témoigne : « La liberté d’action s’est transformée en liberté d’inaction et l’individualisme en égoïsme, en indifférence envers les autres ». Cette déception a profondément stigmatisé l’image de la langue française, désormais associée à une jolie forme sans contenu, artificielle et pleine de fausse courtoisie.
Pendant la guerre froide, la France, pourtant membre du « bloc de l’Ouest » et donc a priori hostile à l’Europe communiste dont fait partie la Pologne, joue la carte de la différenciation et parvient à maintenir des relations relativement bonnes avec les démocraties populaires. Si le russe est à cette époque la première langue étrangère obligatoire, le français, réputé moins « impérialiste » que l’anglais, est traité avec davantage de tolérance par le pouvoir.
Les centres culturels français présents en Pologne contribuent également à raviver le lien entre langue française et liberté en offrant aux Polonais la possibilité d’accéder à certaines publications censurées dans l’espace public ordinaire. Le roman d’Antoni Libera, Madame (traduit en français), restitue avec beaucoup de talent l’ambiance qui régnait alors dans ces bibliothèques et instituts.
Depuis la chute du rideau de fer, malgré la francophonie – souvent mêlée de francophilie – d’une partie importante des élites de l’opposition qui a mis fin au régime communiste, la place de la langue française s’est normalisée. Ceci s’est non seulement traduit par un décollage très rapide de l’anglais, désormais langue étrangère de référence en Pologne, mais aussi par l’émergence de nouveaux concurrents comme l’espagnol.
La France et la langue française continuent pour leur part d’être perçues tantôt comme poétiques, mythiques et séduisantes, tantôt comme faibles et arrogantes. À ces visions s’ajoute encore l’image véhiculée dans les media polonais d’une France associée à la mode, aux parfums et à la cuisine haut de gamme. La langue française, essentiellement vue au travers du prisme de la littérature et des arts, reste enseignée de façon obligatoire de nombreuses filières humanistes dans les collèges et lycées. C’est pourquoi son public est très féminisé. L’ouverture du marché du travail et les possibilités de voyager et d’étudier permises par l’accession de la Pologne à l’Union européenne devraient cependant progressivement remodeler ces perceptions.


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