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samedi 28 juin 2014

Vente de Mistral à la Russie : un acte honteux et imprudent

Vente de Mistral à la Russie : un acte honteux et imprudent - TRIBUNE de François Heisbourg*

La vente de deux bâtiments de projection et de commandement (BPC) de la classe Mistral à la Russie est un héritage encombrant de la présidence de Nicolas Sarkozy. Engagés au lendemain de la guerre en Géorgie, les pourparlers franco-russes avaient débouché en 2010, des acomptes étant versés en 2011 et la cale du premier navire posée en 2012 pour livraison à l’automne 2014. Les responsables actuels sont pris entre un contrat en bonne et due forme (assorti d’emplois bienvenus dans la région de Saint Nazaire) d’un côté, et le devoir de solidarité avec nos alliés face à une Russie néo-impériale de l’autre.
* François Heisbourg est Conseiller spécial de la Fondation pour la Recherche Stratégique



L’affaire est lourde au plan symbolique : après la première annexion d’un territoire européen par un autre État depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, comment imaginer une telle livraison, d’autant que le second bâtiment, livrable l’année prochaine, porte le nom de Sébastopol…
Les bâtiments ont aussi une importance pratique considérable. Ce ne sont certes pas des cuirassés : le seul armement propre de nos BPC est constitué de défenses antiaériennes. Ils constituent pourtant des bateaux de guerre redoutables, capables de commander des forces interarmées, lancer des opérations amphibies, transporter des dizaines de blindés, embarquer des hélicoptères de combat et d’assaut (comme pendant la guerre de Libye), voire de servir de plateforme à des avions à décollage vertical…
Le BPC est un outil remarquable, une sorte de couteau suisse permettant de faire face à des conflits qui se suivent, mais ne se ressemblent pas. De surcroît, son coût ne représente qu’une fraction du prix d’un porte-avions.
Livrer ces navires, un acte honteux
Moscou avait indiqué, avant ses opérations en Ukraine, qu’elle comptait baser dans le Pacifique les deux BPC livrés par la France. Une fois livrés, rien n’empêchera la Russie de les déployer comme elle l’entendra, quitte à les utiliser de manière offensive contre nos alliés et nos intérêts dans la Baltique, en mer Noire ou en Méditerranée. Après tout, nos propres BPC nous ont servis au plus près (Liban, Libye) comme au plus loin (Golfe de Guinée, Côte d’Ivoire…).
La livraison de tels navires serait donc non seulement un acte honteux, mais une grande imprudence. Pour sa part, la non-livraison posera d’abord le problème du contentieux commercial entraîné par la rupture du contrat, avec à la clé la mise en péril d’emplois industriels.
Ce sera pénible, mais l’ensemble de la vente représente moins de 1,4 milliard d’euros, un chiffre relativement modeste au regard des pertes liées à l’affaire Kerviel ou à l’amende que risque BNP Paribas aux États-Unis.
Surtout, la rupture unilatérale d’un contrat dans le domaine de la défense fera apparaître notre pays comme un fournisseur peu fiable, y compris aux yeux de nos alliés européens envisageant de s’équiper en armement français. Nos concurrents, notamment américains, ne seront pas les derniers à user de cet argument pour pousser leurs propres exportations.
Dans les quelques mois qui nous séparent de la livraison du Vladivostok, la France doit donc obtenir de ses partenaires de l’Otan, le rachat des BPC par l’Alliance atlantique, fût-ce pour un montant largement symbolique, de manière à ce que notre refus de livraison s’inscrive dans une opération conjointe et solidaire.
Article paru dans Ouest-France jeudi 19 juin












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