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vendredi 23 janvier 2015

La chute de l’aéroport de Donetsk [+ violation, par les pro-russes, de la Convention de Genève... encore une fois]

L’armée ukrainienne a reconnu, jeudi 22 janvier, avoir subi un lourd revers en étant contrainte d’abandonner sa principale position dans l’aéroport de Donetsk, théâtre depuis des mois de l’une des batailles les plus sanglantes de la guerre dans l’est de l’Ukraine.

« En raison des tirs provenant de toutes les directions, la décision a été prise de quitter le territoire du terminal pour de nouvelles positions », a indiqué, jeudi matin, un porte-parole de l’armée, Vladislav Selezniov. Dans le même temps, le ministère de la défense précisait qu’une partie des bâtiments et de l’enceinte de l’aéroport restaient sous le contrôle de l’armée de Kiev.
Les premières informations sur cette importante défaite avaient commencé à filtrer dès la nuit de mercredi à jeudi sur les réseaux sociaux. De nombreux soldats et volontaires ukrainiens y sont présents, rendant compte de leur vie au front et des derniers développements militaires. Leur récit des faits évoque moins un repli stratégique qu’une déroute.

« Les gars au rez-de-chaussée ont atteint leurs limites »

« Nous avons échoué à garder le contrôle des ruines du nouveau terminal durant six jours. Et les gars au rez-de-chaussée… Ils sont faits de chair et de sang. Ils ont atteint leurs limites », écrivait Iouri Birioukov, le chef de l’une des principales organisations d’aide aux soldats, par ailleurs conseiller du président Petro Porochenko. Selon un autre, George Tuka, l’état-major de Kiev avait conçu un plan destiné à encercler l’aéroport et à en déloger les séparatistes prorusses. Mais le plan a tourné court et ces derniers ont pris le contrôle des premier et troisième étages du nouveau terminal de l’aéroport. Les troupes ukrainiennes, cantonnées au deuxième étage auraient commencé à se retirer après que le plafond s’est en partie effondré.

Kiev évoque six soldats tués au cours de l’opération. Selon un volontaire présent sur place, « 37 héros ont été tués à l’aéroport », et nombre d’entre eux « ont été achevés par des mercenaires tchétchènes ».
La situation avait commencé à se dégrader sérieusement pour les forces ukrainiennes durant le week-end. Selon Kiev, l’offensive des prorusses s’est intensifiée alors que les séparatistes recevaient le renfort direct de troupes régulières russes. En début de semaine, plusieurs prisonniers ukrainiens étaient exhibés à Donetsk.
[Ajout : nous avons publié dans une première version de cet article une vidéo diffusée par les séparatistes et montrant un prisonnier ukrainien exhibé devant une petite foule de civils. L’homme présente des ecchymoses au visage. Il est pris à partie et frappé à plusieurs reprises par des civils, avant d’être emmené par les hommes en arme qui le détiennent. Nous avons décidé de retirer cette vidéo.]

Un coup dur pour Kiev

La perte de l’aéroport est un coup dur pour Kiev, et ce à plusieurs égards. Cette position était la pointe la plus avancée de l’armée ukrainienne dans l’agglomération de Donetsk, la capitale régionale. A ce titre, elle constituait une menace permanente pour les combattants séparatistes qui tiennent la ville, mais aussi pour les civils habitant encore les quartiers environnants du nord de la ville, victimes de bombardements réguliers. Jeudi matin, treize d’entre eux sont morts à un arrêt de bus dans un bombardement dont l’origine est inconnue.
La perte est surtout symbolique. D’abord parce que l’aéroport Sergueï-Prokofiev de Donetsk faisait partie des quelques infrastructures ultramodernes construites dans cette ville fleurie et propre à l’occasion du championnat de football de l’Euro 2012. Sa destruction, semaine après semaine, rappelle aux Ukrainiens l’immense gâchis de cette guerre. Le territoire que se disputaient les deux camps était en réalité une ruine.
L’aéroport est devenu un lieu majeur de la guerre fin mai 2014, quand, dans la foulée de l’élection présidentielle ukrainienne, des commandos séparatistes armés se sont emparés du bâtiment. L’opération lancée par l’armée ukrainienne pour les déloger se soldera par la mort d’une quarantaine de combattants séparatistes.
Durant les mois qui suivirent, l’aéroport fut régulièrement le théâtre de combats sporadiques. Mais ce n’est qu’à l’automne que le lieu a acquis le statut d’emblème de la guerre en Ukraine. L’été a vu l’armée ukrainienne reculer sur tous les fronts, vaincue grâce à l’intervention directe de l’armée russe dans les combats. L’aéroport, lui, tient, malgré les communiqués séparatistes annonçant régulièrement sa prise. Tout au long de l’automne et de l’hiver, les soldats ukrainiens qui y vivent retranchés ont subi de lourdes pertes, mais repoussé tous les assauts lancés contre leurs positions. Ils y ont gagné, dans l’opinion ukrainienne, le surnom de « cyborgs ».
Leur vie est un enfer. L’aéroport n’est relié au reste des positions ukrainiennes que par une fine trace partant du village de Piski. L’emprunter est synonyme de roulette russe et, dès lors, le ravitaillement et les rotations des troupes se font aléatoires.

Forte émotion en Ukraine et en Russie

Très peu de journalistes ont pu raconter le quotidien de ces hommes. Parmi eux, celui du Los Angeles Times, Sergueï Loïko, qui en a ramené, fin octobre, une série de photographies époustouflantes. Le journaliste et quelques autres ont aussi raconté les bombardements permanents, les belligérants parfois séparés par un simple mur, les cigarettes interdites la nuit pour ne pas alerter les snipers adverses…
La chute de l’aéroport a donc provoqué une forte émotion en Ukraine, mais aussi en Russie. Les chefs des deux bataillons séparatistes les plus impliqués dans cette bataille, « Guivi » et « Motorola », y étaient devenus des vedettes, multipliant les interviews et menant les journalistes de leur côté de la ligne de front.
L’armée ukrainienne tentera peut-être une contre-offensive pour récupérer ce lieu stratégique, mais ce revirement peut aussi faciliter les difficiles négociations de paix qui mettent aux prises à la fois les belligérants et plusieurs capitales européennes. La question de la ligne de démarcation constituait depuis plusieurs semaines le principal point de blocage des discussions, les séparatistes et leur soutien russe refusant de reconnaître celle définie dans les accords conclus le 5 septembre 2014 à Minsk.


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La descente aux enfers de Donetsk
 Le 11 janvier, alors que la communauté internationale se recueillait aux côtés de la France, les pro-Russes ont lancé une violente offensive qui a atteint son paroxysme deux jours plus tard. Avec des conséquences catastrophiques pour la population, et pour les combattants des deux camps.

Le mythe des cyborgs
Oleksandr Kramarenko, dans les pages du quotidien Oukraïna Moloda, s'inquiète d'ailleurs des proportions que prend progressivement le mythe des "cyborgs". Lesquels, "malheureusement, ne sont pas assez". "Les capacités de combat de nos troupes reposent essentiellement sur le sacrifice de nos bataillons de volontaires et sur le savoir-faire de nos forces spéciales. Ces dernières, du reste, pourraient être un véritable atout si ce qui se passe dans le Donbass était vraiment une opération antiterroriste, non une guerre impliquant non seulement des mercenaires venus de Russie, mais aussi des unités de l'armée régulière russe dotées d'armes lourdes. Dans une telle situation, ce n'est qu'une question de temps avant que l'adversaire ne s'assure la supériorité sur le terrain."
Kramarenko conclut sur une note amère : "Je pense que les proches des défenseurs de l'aéroport de Donetsk n'apprécient guère d'entendre leurs maris, leurs fils et leurs pères uniquement décrits dans les médias ukrainiens comme des cyborgs anonymes. Ce sont leurs ennemis qui les premiers les ont affublés de ce surnom, une façon comme une autre pour eux d'expliquer pourquoi ils n'ont toujours pas pu prendre l'aéroport au bout de quatre mois. Et dans notre camp aussi, nombreux sont ceux qui préfèrent considérer qu'ils ne sont pas des gens comme les autres, mais bien des cyborgs, capables de se battre pour toujours. Car, ainsi, pas besoin d'aller soi-même à la guerre, ou d'y envoyer maris, fils et pères. C'est tout le pays qui, psychologiquement, se dissimule derrière les ‘cyborgs'."




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Ils se sont fait connaître pour leurs nombreuses exactions : torture, crimes de guerre, violation d'e nombreux traités internationaux,  mesures rappelant celles prises par les (vrais) nazis...
Aujourd'hui, en exhibant les soldats ukrainiens capturés, les pro-russes violent, encore une fois,  la Convention de Genève

A Donetsk, des prisonniers ukrainiens de guerre exhibés devant la foule

 Blessés, hagards, les soldats ukrainiens défilent tête basse dans les rues de Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, obligés d'essuyer les insultes et les pierres, pendant que les rebelles les escortent jusqu'à l'endroit où treize civils ont été tués jeudi dans un bombardement.
"Fascistes !", "Honte !", "Pédérastes !", répètent en boucle les habitants le long du cortège. Les prisonniers, pourtant, n'ont rien à voir avec la mort des civils tués le matin même : ils ont été capturés au cours des combats ayant fait rage à l'aéroport de Donetsk, loin du quartier jusqu'alors épargné de Leninski, où se trouvait le trolleybus n°17 touché par des obus.
Mais Alexandre Zakhartchenko, le "président" de la République populaire autoproclamée de Donetsk (DNR), a juré qu'il ferait défiler ses prisonniers, comme un écho à la "marche des vaincus" qui, le 24 août, jour de la fête nationale ukrainienne, avait vu de 40 à 50 soldats être exhibés pendant plusieurs heures dans le centre de Donetsk.
"Et qu'on ne me parle plus d'échanges de prisonniers", précise-t-il, tout en regrettant "ne pas pouvoir les fusiller".
- Humiliation -
Cette fois, l'humiliation ne dure que quelques minutes. Sous les yeux du dirigeant séparatiste, les soldats sont contraints de s'agenouiller sur le trottoir. La foule en colère leur jette des morceaux de verre, et toutes sortes d'objets sont lancés en leur direction des fenêtres des immeubles environnants.
"Il faut les punir comme Saddam Hussein, ce sont des assassins. Ils ont tué nos enfants qui ne savent même plus ce que c'est de sortir dans la rue sans avoir peur", crie Zina, une retraitée.
Une autre retraitée, Liouda, a plus de compassion. "J'ai honte de ce qui se passe. J'ai pitié pour eux, ce sont des victimes de (Petro) Porochenko (le président ukrainien, ndlr)", déclare-t-elle à l'AFP, les larmes aux yeux.
Le trolleybus, quant à lui, a déjà été enlevé de la scène. Il a été ramené au dépôt, où des femmes de ménage s'attachent à y nettoyer les tâches de sang, comme s'il devait à nouveau rouler un jour.
"Hier encore, je buvais une bière avec lui et il n'est plus là. C'était mon ami !", soupire Alexeï en évoquant le souvenir du conducteur du bus, qui figure au nombre des victimes.
La veille déjà, une attaque au même endroit avait provoqué la mort de deux soldats rebelles, rappelle Maxime, un enseignant de 35 ans vivant à proximité. "Il y a une école militaire juste à côté, qui est devenue le quartier général de la DNR", précise-t-il
"Ca a bombardé pendant 20 minutes", à partir de 08H30 (05H30 GMT), raconte Pavel, un commerçant âgé de 20 ans dont la boutique donne directement sur l'arrêt où stationnait le trolleybus.
"Nous étions par terre, face contre terre, et on ne s'est pas levé. C'était tellement bizarre. Les morts restaient assis dans le bus, comme s'ils étaient vivants".
- La population amère -
L'attaque terminée, la stupeur a rapidement laissé place à la colère. Une délégation de "l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) vient et secoue la tête. Les journalistes viennent et écrivent des articles. Mais tout le monde repart quand nous restons là et nous nous faisons bombarder", assène Valentina, une employée de 25 ans.
Sitôt après l'attaque, un premier prisonnier ukrainien avait été amené sur les lieux. Les rebelles le présentait alors comme un "saboteur", responsable avec un petit groupe de "nationalistes ukrainiens" de l'attaque de la veille.
Menotté, le visage marqué par les coups, il est contraint de regarder les débris du trolleybus, d'où tous les corps n'ont pas encore été enlevés, entourés par de nombreuses caméras.
"Pourquoi restez-vous silencieux ?", a le temps de lui demander un journaliste russe avant que l'homme ne soit passé à tabac par quelques habitants, puis rapidement embarqué à bord d'un 4x4 immatriculé en Russie.
Le prisonnier sera ensuite identifié par les médias ukrainiens comme étant le lieutenant-colonel Oleg Kouzminikh, un "Cyborg", le nom donné par les Ukrainiens aux défenseurs de l'aéroport de Donetsk, capturé deux jours auparavant.
Mais beaucoup d'habitants resteront sur place, attendant l'arrivée du "défilé de prisonniers" qu'a promis par voie de presse Alexandre Zakhartchenko.
Les prisonniers ukrainiens, eux aussi, repartiront sains et saufs. "Mais sans nos soldats, ils auraient été lynchés", affirme Igor Martynov, le chef rebelle de l'administration de la ville de Donetsk.
"Parfois, un lynchage public serait peut-être préférable", confie-t-il à l'AFP. "Mais les gens auraient dit que nous sommes inhumains".


+ L'armée ukrainienne abandonne l'aéroport de Donetsk, 42 morts dans les combats  (La Croix)











2 commentaires:

  1. Pour moi, cela reste une victoire. Avec un ratio de 1 contre 15, les russes ont mis 4 mois à prendre un aéroport, désormais ravagé et inutilisable, et ont été dans l'obligation de jeter dans la bataille leurs meilleurs éléments, les spetsnaz, qui ont payé un lourd tribut.

    Ce sera le prix à payer pour la Russie si elle continue son agression. Car si en juin, l'Ukraine n'avait pas d'armée, maintenant, entre les bataillons de volontaires aguerris et des forces spéciales qui sont mieux équipés.

    Il n'y a pas de quoi être fier, le coût de la prise de l'aéroport pour les russes est exorbitant.

    Qu'ils sachent que ce sera ça pour chaque village pris à l'Ukraine.

    Une blague court en ce moment en Ukraine:

    "Poutine a renoncé à prendre Kiev par les armes.

    Pourquoi?

    Car il a appris qu'il y avait 2 aéroports."

    Pour moi, il n'y a pas à se désoler de la perte de l'aéroport, l'armée ukrainienne pourra se redéployer avec des unités de valeur...

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  2. Oui, même si l'aéroport est perdu (pour le moment) et détruit, la bataille de Donetsk est d'ores et déjà à ranger parmi les faits d'arme de l'armée ukrainienne. Je pense que les héros de cette bataille seront longtemps célébrés, et que cette bataille restera dans les mémoires pour les ukrainiens. Au même titre que la Bataille de Camerone ou que Bir Hakeim pour notre Légion étrangère.

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