Des affrontements sporadiques perturbent le
fragile cessez-le-feu et nourrissent les craintes d'une nouvelle
escalade. Le photographe du quotidien ukrainien Segodnia, Serguiï
Nikolaïev, ainsi qu'un combattant du groupe nationaliste Pravy
Sektor ont été tués par un tir d'artillerie à Pisky, au
nord-ouest de Donestk. L'armée ukrainienne a cependant fait état
d'une « baisse considérable
[du nombre] des tirs » dans
la nuit de vendredi à samedi. L’attention se concentre
maintenant sur le grand port industriel de Marioupol au bord de la
mer d’Azov. La ligne de front n’est qu’à une vingtaine de
kilomètres de la ville. Le ministre ukrainien de la Défense Stepan
Poltorak s'est employé samedi à dissiper ces craintes, estimant que
« la ville est bien
protégée ».
Avec nos envoyés spéciaux à
Marioupol, Anastasia
Becchio et Boris VichithUn promontoire battu par les vents. D’un côté la mer, de l’autre, des tranchées. Au loin, en contrebas, deux tanks. Les forces séparatistes se trouvent de l’autre côté de la colline. Un soldat s’active sur un blindé léger enterré dans un fossé. « On a retiré les armes lourdes. Les autres sont restées, mais on n’a pas le droit de tirer. Du coup, on répare notre matériel », raconte-t-il.
Le commandant Sansanitch, 53 ans, a fait le guet toute la nuit. Tout est resté calme. « Ca ne va pas durer. Avant cela, la partie adverse n’a pas respecté les accords de Minsk et je pense que maintenant ils concentrent leurs forces. Ils font toujours ça avant une grosse opération. »
Du coup, les soldats continuent de creuser des tranchées. « On a des pelles mécaniques qui sont en action un peu plus loin, explique le commandant du 37e bataillon d’infanterie mécanisée, Sobol. L’objectif est de protéger encore plus nos positions, si les tirs d’artillerie reprenaient. Ils n’arrêtent pas de déclarer que Marioupol est une ville stratégique très importante pour eux d’un point de vue économique et politique. On se tient prêt à tout. »
En attendant, dans le village quasi désert, des militaires tuent le temps en espérant que le cessez-le-feu tienne.
«Maidan était une affaire intérieure, maintenant nous protégeons notre patrie ensemble, c’est l’essentiel» (anciens policiers sous Yanoukovitch).
La menace est partout : au nord, Donetsk et ses milliers de combattants séparatistes. A l’est, Novoazovsk, à proximité de la frontière russe, point de chute des soldats russes envoyés se battre en Ukraine. Au sud, Marioupol, port stratégique sur la mer d’Azov désormais contrôlée de fait par la marine russe, est un enjeu crucial. Cette ville de 500 000 habitants n’est plus liée à l’Ukraine que par sa partie ouest. Depuis quelques jours, les tirs d’artillerie se sont intensifiés dans la région.
«Nous avons créé trois lignes de protection autour de Marioupol, tenues par près de 36 000 combattants. Nous avons l’armée russe en face, ils utilisent maintenant des méthodes de terroristes, ils ont récemment fait sauter un pont, mais ils ne prendront jamais notre ville, même si les provocations sont quotidiennes», lance Denis Serguiovich, vice-président de la municipalité, qui assure que «la ville ne peut pas être prise à moins d’utiliser l’aviation…»
Attaques de l’intérieur
Mais certains Ukrainiens s’inquiètent d’un mouvement qui viendrait de l’intérieur. Si attaque il y a, cela pourrait se passer de façon plus insidieuse que dans les environs de Donetsk. Déjà, l’été dernier, la ville avait été temporairement occupée par les séparatistes, notamment grâce à l’important soutien des ouvriers travaillant dans les usines métallurgiques de l’oligarque Rinat Akhmetov, homme le plus riche du pays, véritable roi du Donbass. L’oligarque, qui sait se faire discret et manger à tous les râteliers, fait la pluie et le beau temps à Marioupol.«Dans nos usines, on nous fait croire que rien n’est possible sans la Russie, mais seulement 8% de nos exportations vont chez notre voisin», déplorent anonymement deux employés de la société de l’oligarque. «En 2012, c’est lui qui nous a dit pour qui il fallait voter aux législatives : pour le Parti des régions de Ianoukovitch. S’il demande aux ouvriers de prendre la ville, ils le feront. D’un côté, il organise des convois humanitaires et affirme soutenir l’Ukraine, de l’autre, il n’hésite pas à envoyer les ouvriers perturber les meetings ukrainiens et à développer les thèses des séparatistes dans nos usines. Dans nos réunions avec la direction, il est question de "junte de Kiev"… La plupart des ouvriers sont nostalgiques de la stabilité de la vie en URSS mais ils oublient que Ianoukovitch recevait des crédits incroyables de l’Europe destinés à faire tourner nos usines», explique l’employé.
Viktoria Pridouchenko, 49 ans, dame apprêtée aux cheveux blonds et courts, espère bien empêcher l’organisation d’une force prorusse au sein de sa ville. Au printemps dernier, choquée de voir le drapeau russe flotter en ville, cette chef comptable d’une usine de béton a multiplié les meetings et les flashmobs. Violemment battue par les séparatistes, elle s’est lancée dans une croisade contre le mouvement prorusse en créant un groupe de défense citoyen. Ses proches la surnomment la «Jeanne d’Arc de Marioupol». «Nous sommes maintenant environ 300 personnes a patrouiller en ville», assure-t-elle. L’activiste se distingue de l’armée par sa connaissance du terrain : «nous avons des gens dans tous les quartiers de la ville, ils connaissent les lieux et savent qui est séparatiste. On sait aussi que les Russes viennent se reposer côté ukrainien pendant les rotations et en profitent pour informer leurs collègues. Nous les chassons grâce à nos contacts sur le terrain.»
Combattante, l’activiste fait pression auprès du conseil municipal pour qu’ils considèrent les séparatistes comme étant une organisation terroriste et la Russie comme étant un état agresseur.
Le profil de Marioupol est bien différent de Lugansk et de Donetsk, ce n'est pas pour rien que les terroristes n'ont pas trouvé un terreau d'action favorable. Un peu comme à Kharkiv.
RépondreSupprimerAzov est à Marioupol et ce sera très dur de les déloger, les russes ont déjà beaucoup de mal de s'emparer de Shyrokyne malgré une offensive surprise. Il y a eu des travaux de fortifications, mais je doute que ce soit suffisant. En Crimée, l'armée ukrainienne a préféré miner tous les ponts reliant le péninsule de peur d'invasion...